L’industrie financière continue à innover. Guichet automatique bancaire pour retirer de l’argent, achat et vente d’actions en ligne par l’investisseur, chaînes de bloc et cryptomonnaies: des innovations technologiques révolutionnaires ont bouleversé et continuent de bouleverser les façons de faire, et ce, autant pour les professionnels de l’industrie que pour leurs clients.
Depuis 2008, aux États-Unis, un nouvel outil technologique s’est imposé dans le paysage financier: le robot-conseiller. Au Canada, cela remonte à 2014. Basé sur le Web, utilisant des règles mathématiques et des algorithmes, ce conseiller financier d’un type nouveau et de plus en plus présent dans l’industrie financière fournit à la fois conseils et stratégies d’investissement à son client en ligne, et ce, avec une intervention minimale de la part du conseiller humain. En d’autres mots, seuls devant leur écran d’ordinateur, de plus en plus d’investisseurs s’appuient désormais sur une machine pour leurs décisions d’investissement.
C’est sur cette application futuriste de la technologie qu’a porté le webinaire de Federico Severino, professeur au Département de finance, assurance et immobilier à l’Université Laval, le vendredi 27 janvier. La présentation avait pour thème: «Robots-conseillers: un défi de données massives». L’activité était organisée par l’Institut intelligence et données. Le contenu de l’exposé était tiré d’un chapitre du livre Big Data in Finance: Opportunities and Challenges of Financial Digitalization. Les deux coauteurs du chapitre sont le professeur Severino et Sébastien Thierry, un étudiant à la maîtrise en administration des affaires – finance aujourd’hui diplômé.
«La majorité des robots-conseillers sont aux États-Unis, puis en Europe, et récemment dans quelques pays asiatiques, explique le professeur. Les fonds négociés en bourse (FNB) sont encore les investissements préférés des robots-conseillers. Ils peuvent être très différents entre eux: actions et obligations, diversification géographique, devises et autres. Un panier de plusieurs FNB offre déjà une diversification élevée et beaucoup de flexibilité.»
L’approche hybride
Selon Federico Severino, il existe actuellement trois catégories de robots-conseillers. «C'est l’approche hybride qui semble gagnante, affirme-t-il. Elle consiste à exploiter les capacités computationnelles d’une machine qui peut s’adapter aux paramètres de l’investisseur mais, de temps en temps, tout réviser avec un conseiller humain qui puisse nous faire réfléchir sur nos réels objectifs d’investissements à court et à long terme. L’investisseur ne veut pas vraiment être seul face à la machine.»
Un des avantages des robots-conseillers est qu’ils permettent une allocation dite optimale des actifs en fonction des objectifs et du profil de l’investisseur. Une étude publiée en 2018 démontre que de nombreux conseillers humains ne considèrent pas suffisamment le volet investisseur de la personnalité de leurs clients. «Or, il est essentiel que l’allocation d’actifs proposée à l’investisseur corresponde à son attitude vis-à-vis le risque, soutient-il. Parfois, le conseiller humain ne suit pas vraiment la volonté du client. Il va suivre ses idées et proposer des actifs qu’il préfère. Cela est absent des robots-conseillers qui visent à offrir des produits financiers davantage sur mesure.»
L’envers de la médaille avec les robots-conseillers est que les investisseurs sont laissés à eux-mêmes pour déterminer si la stratégie d’investissement proposée est pertinente pour eux. De plus, les stratégies peuvent avoir été proposées à d’autres investisseurs ayant des préférences similaires. Le professeur souligne par ailleurs la trop grande simplicité des questionnaires servant à établir le profil de l’investisseur, qui se limitent à des données de base telles que l’âge, le genre, le revenu, l’endettement, l’horizon d’investissement. Il indique également que les stratégies conservatrices axées sur les FNB ne sont pas toujours adaptées au profil du client.
Pour une plus grande sophistication
Pour le conférencier, il est possible d’améliorer la personnalisation du profil du client d’un robot-conseiller en extrayant beaucoup plus d’informations des données massives qui le concernent. Ces informations beaucoup plus hétérogènes peuvent être puisées dans le dialogue sous forme de chaîne écrite de questions et réponses que le client entretient avec son robot-conseiller. Ce dernier peut aussi extraire des données actualisées sur les opinions et les choix passés des autres investisseurs. Il peut également considérer les informations relatives à toutes les transactions financières du client. Enfin, il peut utiliser des informations en temps réel circulant sur les réseaux sociaux.
«La machine pose une question, le client répond, on commence à converser, explique Federico Severino. On peut faire ça tous les jours. Le robot-conseiller décode les questions et réponses. Les données textuelles sont analysées par des modèles de personnalités. Faisant cela, on peut aller au-delà de la simple attitude investisseur plus prudent – investisseur plus spéculatif. La machine peut dire si le client est plus égoïste ou plus tourné vers les autres. L’investisseur peut être cerné à travers une bonne quantité de données textuelles, par exemple ce qu’il pense de ce qui se passe dans le monde, de la guerre, du climat. Le robot-conseiller pourra orienter son client vers des actifs plus verts ou plus spéculatifs ou couvrant une autre région géographique. Vraiment, l’intelligence artificielle aide l’investisseur à prendre une décision.»
Le professeur insiste sur une contradiction apparente. «Souvent, dit-il, les robots-conseillers vont proposer des stratégies d’investissement à faible risque largement répandues parce qu’ils ne veulent pas prendre de risques. Le client pourrait perdre beaucoup d’argent et le quitter. L’attitude du robot-conseiller est de fournir une stratégie plus prudente et adaptée pour éviter les problèmes de pertes. Autre contradiction: le robot-conseiller a accès à plusieurs marchés. Alors il ne devrait pas observer de préférence domestique.»