L'écriture est imagée, fluide, pleine de rythme. On devine le défi de traduire Stations, un recueil de nouvelles qui a valu à Nick Mulgrew plusieurs prix littéraires et critiques élogieuses. Défi relevé par sept étudiantes de l'Université Laval, Tamara Djurica, Émilie Dumas, Lou Vanessa Fero, Iris Lindsay, Myriam Ouellette, Marie-Ève Rousseau et Mylène Tremblay. Sous la supervision du professeur Louis Jolicœur, elles ont traduit cette œuvre pour leur essai de fin d'études.
Le fruit de leur travail, un bel ouvrage de 186 pages, paraît chez L'instant même, une maison d'édition que Louis Jolicoeur connaît bien pour y avoir publié de nombreux livres. «L'idée de cette traduction provient de l'éditrice Geneviève Pigeon, explique le professeur. Elle avait rencontré Nick Mulgrew lors d'un colloque en Afrique du Sud et avait eu un coup de cœur pour son recueil de nouvelles. J'ai lu le livre, j'ai trouvé ça très bon moi aussi et j'ai proposé à mes étudiantes de le traduire. Cela leur a permis d'avoir une première publication tout en travaillant sur leur projet de fin d'études.»
Des histoires ancrées en Afrique du Sud
Première œuvre de fiction de Nick Mulgrew, Stations est constitué de 14 nouvelles qui portent sur les angoisses ou les paradoxes de la jeunesse. Des bars de Cape Town aux champs de canne à sucre, en passant par les plages et les quartiers aisés pris d'assaut par les touristes, l'auteur nous entraîne dans les quatre coins de la ville. Chaque récit fourmille de détails, que ce soit sur les bâtiments, les paysages, les rues ou encore la vie quotidienne des habitants, le tout agrémenté de mots et d'expressions en afrikaans, une langue germanique parlée en Afrique du Sud.
«Pour les traductrices, la difficulté première était de trouver un style d'écriture et une élégance qui rappellent la forme du texte d'origine. Le deuxième défi était lié aux différences culturelles et linguistiques. Nous avons fait plusieurs recherches pour lever les ambiguïtés. Quant à l'hybridité linguistique, certains mots en afrikaans ont été conservés afin de garder une place à l'étrangeté du texte. Avec le contexte, le lecteur peut comprendre et s'imaginer la situation», dit le professeur.
Là où plusieurs traducteurs auraient multiplié les échanges avec l'auteur pour préciser certaines informations, Louis Jolicœur a choisi délibérément de ne pas faire appel à Nick Mulgrew. «Je ne suis pas un grand partisan de la collaboration avec les auteurs. Le traducteur doit s'approprier l'œuvre tout en s'assurant de la respecter. S'il contacte l'auteur, c'est pour l'éclairer sur des aspects délicats et importants pour lesquels il n'y a pas de réponse. Dans ce cas-ci, les problèmes que nous avons rencontrés n'auraient pu être réglés par l'auteur, qui ne travaille pas en français. C'était à nous de faire preuve d'imagination et de trouver des solutions», dit-il.
— Extrait du livre
Former les traducteurs de demain
Comme il l'a fait avec cette traduction de Stations, le professeur Jolicoeur se fait un point d'honneur de placer ses étudiantes et étudiants en contexte d'apprentissage dans des projets réels. Chaque année depuis 2015, son équipe collabore avec le Festival de cinéma de la ville de Québec pour la création des sous-titres des films étrangers qui sont projetés à l'écran. S'ajoutent à cela plusieurs projets de traduction d'anthologies et d'ouvrages collectifs.
«En traduction, on forme des professionnels qui sont embauchés dans 98% des cas dès leur sortie de l'université. Nous avons une approche très pragmatique et professionnalisante du métier. Le fait de mettre les étudiantes et les étudiants en situation réelle de traduction, c'est particulièrement important pour moi.»