Combinant littérature et arts visuels, les œuvres de Céline Huyghebaert ont été exposées aussi bien en France qu'au Canada, notamment à la Fonderie Darling, au centre Dare-Dare, au festival Toronto Art Book Fair et au Centre canadien d'architecture. Sa démarche, résolument documentaire, fait appel à l'écriture, la photographie, le collage, l'entrevue et la collecte d'archives.
Avec son postdoctorat, qu'elle entame à l'Université Laval et à l'Université de Bordeaux sous la codirection des professeures Sophie Létourneau et Magali Nachtergael, elle espère pousser encore plus loin son approche de la création. «Je travaille sur un projet qui mélange enquête collective et réflexion personnelle autour de la maladie chronique. L'idée est de rester dans une approche documentaire, mais de trouver une forme nouvelle», explique-t-elle.
Celle qui a fait un doctorat en études et pratiques des arts à l'Université du Québec à Montréal profite de ce retour dans la sphère universitaire pour prendre part à différentes activités. Les 22 et 23 février, elle participera à un laboratoire de recherche-création, L'atelier simple. Cet événement, qui se déroulera en ligne, se divise en deux volets: une conférence de l'auteure et un atelier d'écriture.
«Le but de L'atelier simple est de construire des ponts ou de tracer quelques chemins entre l'université et ce qui s'écrit aujourd'hui», précise le professeur Michaël Trahan, à l'origine de cette initiative soutenue par le Vice-rectorat à la recherche, à la création et à l'innovation.
Le thème des échanges qui auront lieu lors de cette activité, la disparition, est au cœur du premier roman de Céline Huyghebaert, Le drap blanc, paru en 2019 chez Le Quartanier. «Ce livre, Le drap blanc, est un chef-d'œuvre, dit le professeur Trahan. Il s'agit d'une œuvre extrêmement courageuse qui a une hybridité incroyable sur le plan de la forme. Par rapport à sa démarche d'écriture, Céline va très loin, et elle le fait d'une façon rigoureuse et inspirante.»
Véritable ovni littéraire, Le drap blanc est le récit très personnel de l'auteure. Ou plutôt de son père, décédé avant qu'elle ait pu lui dire adieu. Avec ce livre, qui mêle textes d'autofiction, entrevues avec ses proches, extraits de lettres, photos et autres archives familiales, elle tente de faire la paix avec cet homme bourru et complexe.
Pour les besoins de ce livre, Céline Huyghebaert a enquêté pendant cinq ans autour de la mort de son père, récoltant énormément de témoignages de membres de sa famille et d'amis. «Durant tout le processus du Drap blanc, j'ai cherché quelque chose sans savoir ce que c'était, admet-elle. J'ai impliqué des gens avec moi dans ce projet sans pouvoir leur expliquer la nature de leur engagement. C'était très effrayant pour eux de ne pas savoir ce que j'allais faire de leur parole.»
Pour donner au projet sa forme finale, il a fallu qu'elle s'isole et prenne un moment de recul, s'inspirant d'auteures comme Annie Ernaux et Sophie Calle, connues pour leur démarche autobiographique. «Il y a eu un temps d'écriture et de montage où je me suis coupée des gens et où j'ai commencé à obéir au projet qui se dessinait. Quelques semaines avant que le livre parte en impression, j'ai failli appeler mon éditeur pour lui dire de tout annuler!», raconte-t-elle en riant.
Avec son prochain livre, elle retournera à une formule d'édition de moindre envergure. Il s'agit d'une «micropublication» qui sera tirée à 300 exemplaires. Ce projet, qui résulte de deux ans de résidence et d'ateliers d'écriture au Centre Turbine et à la Fondation Virage du CHUM, est basé sur la réalité de gens ayant le cancer.