
Dernier arrêt, une création de Besma Boukhri, Vincent Drouin et Mathieu Bouchard, tous trois étudiants au baccalauréat en arts visuels et médiatiques
— Stéphane Bourgeois (EXMURO)
Jusqu’au 11 octobre, des œuvres aussi originales qu’intrigantes égaieront les rues de la ville de Québec. Les amoureux d’art public sont invités à suivre un parcours déambulatoire d’environ cinq kilomètres à travers les quartiers Petit-Champlain, Saint-Sauveur, Saint-Roch et le Vieux-Port.
En plus de créations provenant des États-Unis, de l’Allemagne et de la Suède, cette huitième mouture des Passages insolites fait une large place aux artistes locaux, dont plusieurs issus de l’Université Laval.
Pascale LeBlanc Lavigne, diplômée en arts visuels et étudiante en enseignement collégial, présente une installation sur la rue Dalhousie, en face du Musée de la civilisation. À première vue, on dirait un abribus. En y regardant de plus près, on voit qu’il s’agit d’une œuvre cinétique fort originale.
«À Québec, l’abribus est l’un des symboles les plus présents du mobilier urbain et un fier représentant du réseau structurant. Il m’évoque l’ordre, l’urbanisme, la ponctualité, le quotidien, la routine, le déplacement urbain, le passage, l’attente, la régularité. Une grande équipe d’employés de la ville est nécessaire à l’entretien et au nettoyage de ce genre d’infrastructure urbaine. À notre époque où tout est automatisé, où le manque de main-d’œuvre se fait sentir et où l’on doit désinfecter tout, tout le temps, je propose – non sans humour – d’automatiser la désinfection d’un abribus de la ville», explique l'artiste habituée de détourner des objets du quotidien.
Chaque jour, des moteurs munis de chiffons s’activeront maladroitement à nettoyer les vitres de l’abribus. Des vaporisateurs propulseront de l’eau sur la surface du verre. «Au fil du temps, ajoute Pascale LeBlanc Lavigne, l’eau glissant sur la vitrine laissera derrière elle des résidus de calcaire et, malgré le travail acharné des dispositifs, la poussière de la ville se répandra sur l’abribus. Les chiffons tenteront tant bien que mal de dissiper la poussière, mais ne feront qu’y laisser les traces de leurs passages. Ironiquement, l’installation souillera l’abri au lieu de le faire étinceler. Par son absurdité et son ironie, j’ai espoir que cette intervention perturbe et réoriente le sens de cette infrastructure urbaine iconique afin d’éveiller diverses réflexions politiques ou sociales chez les passants.»

L'abribus
— Stéphane Bourgeois (EXMURO)
De leur côté, Besma Boukhri, Vincent Drouin et Mathieu Bouchard ont investi la place Jacques-Cartier, près de la bibliothèque Gabrielle-Roy. Leur projet, intitulé Dernier arrêt, a été choisi à l'issu d'un concours organisé en collaboration avec l'École d'art. Leur installation sculpturale est composée de reproductions d'affiches de commerces ayant existé entre les années 1950 et 1970. Les trois étudiants au baccalauréat en arts visuels et médiatiques, qui forment le Collectif du Tropique, ont voulu rendre hommage aux commerçants du quartier Saint-Roch tout en invitant à réfléchir au futur.
«Nous nous sommes inspirés du Neon Museum de Las Vegas avec une composition de vestiges hétéroclites et d'artéfacts revisités. L'œuvre, créée en grande partie de matériaux recyclés et avec une sensibilité toute particulière à l'histoire et aux archives, propose un regard inédit sur le quartier. Elle offre à la fois un regard poétique sur notre patrimoine en mettant en perspective l'histoire et en questionnant notre culture de consommation», indique Besma Boukhri.

Dernier arrêt
— Stéphane Bourgeois (EXMURO)
Les Passages insolites comprennent aussi une œuvre satellite en Haute-Ville de Charles-Étienne Brochu, chargé de cours à l'École de design. Au départ, Sommet de la montagne devait faire partie de la programmation de l'été dernier. L'événement ayant été annulé en raison de la pandémie, l'œuvre a été inaugurée en septembre 2020 devant l'Assemblée nationale, où elle sera exposée jusqu'à l'automne 2022.

Illustrateur et artiste visuel, Charles-Étienne Brochu s'est inspiré de l'architecture d'un château de cartes pour créer une réflexion sur l'équilibre. «Un château de cartes, c'est une structure qui demande de la patience et de l'attention tout en étant fragile et sensible aux coups de vent. En mettant cette structure devant l'Assemblée nationale – bâtiment imposant s'il en est un –, je trouvais que ça faisait ressortir encore plus la fragilité de ma construction», dit-il.
Sur la surface des cartes se trouvent des illustrations qui représentent des thèmes liés à la vie en société, comme la parole citoyenne, le consumérisme et l'entraide. «Nos constructions sociales sont comparables à ce château de cartes: à première vue, elles semblent solides, mais les avancées que l'on fait sont peut-être plus sensibles aux coups de vent qu'on le souhaiterait», ajoute l'artiste.
La mouture 2021 des Passages insolites est aussi l'occasion de découvrir la dernière création de BGL, un collectif formé de Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière, tous trois diplômés en arts visuels, qui viennent d'annoncer leur séparation. S'ajoutent à cela une murale autoportante du diplômé en sociologie Wartin Pantois et un projet collectif de Charles Fleury, diplômé en arts visuels, avec des élèves de l'école secondaire Vanier.
Les cartes du parcours sont disponibles en ligne. On peut aussi les trouver au point d'accueil de l'événement situé à l'Espace 400e.
Les Passages insolites sont une initiative de l'organisme EXMURO. Le projet est mené en collaboration avec la Ville de Québec et plusieurs partenaires.