
Marie-Hélène Parizeau croit que reconnecter l’humain à la nature, face à l’urgence climatique, passe par certains changements de notre mode de vie. Nous sommes, selon elle, en train de vivre la transition vers une économie sobre en carbone. Dans ce contexte, il faut pousser les gouvernements à agir de façon cohérente.
— Cosmin 4000
La professeure de philosophie Marie-Hélène Parizeau était de passage au Musée de la civilisation de Québec, le 16 octobre dernier, pour participer à une conversation devant public sur le thème de la nature. La rencontre avec une animatrice s’est déroulée en marge de deux expositions en cours au Musée, soit Curiosités du monde naturel et Venenum, un monde empoisonné. Quelque 80 personnes ont assisté aux échanges.
«J’ai été invitée à titre de philosophe qui s’intéresse à l’éthique de l’environnement, dit-elle. Mes explications ont porté sur notre interdépendance avec la nature, et sur la nécessaire frugalité à adopter dans nos comportements de consommateurs, dans un contexte de rareté des ressources.»
La professeure Parizeau détient un baccalauréat en biologie. Son intérêt pour le monde naturel remonte à l’enfance. «Il est clair, explique-t-elle, que j’ai toujours eu un intérêt personnel à l’égard de la nature. J’ai toujours eu cette préoccupation, un émerveillement, une fascination et un intérêt à la comprendre.»
Un des principaux points qu’elle a abordés concerne notre manière de représenter la nature. «J’ai essayé de montrer que dans la modernité la nature est posée comme un objet, précise-t-elle. Nous avons perdu notre rapport à la nature. Or, la nature, c’est le vivant. Mais elle ne fait plus partie de nos vies. Lorsqu’ils vont à la campagne, les jeunes urbains ne savent pas comment se comporter avec elle. Les insectes leur font peur. Dans les écoles primaires, on essaie de rétablir les ponts. Sinon, les gens ne comprennent pas l’effet de la nature sur eux. Pourtant, elle nous fait du bien. Nous ressortons apaisés d’une promenade en forêt.»
Du GIEC à Greta Thunberg
Un sondage mené durant la récente campagne électorale a révélé que les Canadiens donneraient très peu d’argent pour lutter contre la dégradation de l’environnement. Les élections fédérales du 21 octobre reflètent cette réalité, seulement 6,4% des électeurs ayant appuyé le Parti vert. Le Parlement compte maintenant 3 députés verts sur 338. Pourtant le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a multiplié la publication de rapports alarmistes depuis un an. Et le phénomène Greta Thunberg a certes contribué à la prise de conscience sur le réchauffement du climat.
«Les gens sont conscients de la problématique environnementale, soutient Marie-Hélène Parizeau, mais ils pensent d’abord à leur portefeuille, ce qui est un peu normal, tant qu’on ne leur montre pas qu’il y a des alternatives sans impact sur leurs finances.»
Elle soulève le fait que, dans leurs discours durant la campagne électorale, les chefs politiques ont présenté la protection de l’environnement comme une dépense. «À mon point de vue, dit-elle, les partis politiques sont trop techniques, par exemple avec la taxe carbone. Ils ne voient que les coûts. Il faut plutôt présenter la solution à la problématique environnementale davantage comme une autre manière de produire et de consommer.»
Marie-Hélène Parizeau termine son mandat comme présidente de la Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Jusqu’en 2018, elle était membre de la commission d’éthique d’un programme de la Commission européenne sur l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et la santé animale.
Selon elle, reconnecter l’humain à la nature face à l’urgence climatique passe par certains changements de notre mode de vie. «Le GIEC dit que nous avons 10 ans devant nous pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, explique-t-elle. On sent une certaine angoisse chez les gens quant à cette échéance prochaine. Il est possible de changer nos façons de faire, notamment en troquant l’automobile pour les transports actifs. Les mouvements zéro déchet prennent de l’ampleur. Ce que font les jeunes est particulièrement intéressant. Ils veulent des aliments bio, des toits verts, de l’agriculture urbaine. Ils expérimentent.»
Dans notre vie quotidienne, il est possible, par de petits changements, de faire avancer les choses dans le dossier environnemental. «Il n’est pas nécessaire de revenir au mode de vie du lointain passé, indique la professeure. Il ne faut pas faire la révolution. J’ai diminué ma consommation de viande, mais je continue à en manger. Consommer davantage de fruits et légumes produits localement diminue notre empreinte carbone. Nous sommes en train de vivre la transition vers une économie sobre en carbone. Poussons nos gouvernements à agir de façon cohérente.»

Marie-Hélène Parizeau, professeure à la Faculté de philosophie
— Marc Robitaille