
Le Jardin d'Eden, un tableau de Roelandt Jacobsz Savery, un peintre flamand de la Renaissance. Selon Sébastien Doane, la prise de conscience écologique chez les chrétiens peut passer par le recours aux récits fondateurs d'une tradition, comme ceux de la Bible, par une réalité transcendante, comme Dieu, ou par le sentiment que l'on fait partie d'un mouvement plus grand, comme celui d'une Église.
«La Bible n'est pas un manifeste écologique, explique le professeur Sébastien Doane, de la Faculté de théologie et de sciences religieuses. Il y a 2000 ans, on n'avait pas conscience que nos actions pouvaient menacer la vie sur Terre. À cette époque, la réflexion scientifique et la compréhension écologique étaient inconcevables. Pourtant, nous pouvons apprendre à relire les pages “vertes” de la Bible pour instaurer un dialogue sur les enjeux écologiques.»
Le jeudi 30 mai, le professeur Doane a animé un séminaire connecté sur le thème «Développer une interprétation écocritique de la Bible». Une quarantaine d'internautes, certains de l'Université Laval, ont suivi la présentation complétée par une période de questions.
«Trois discussions éclairantes ont eu lieu, souligne le titulaire de la Chaire de leadership en enseignement Marcelle-Mallet en exégèse biblique. L'une d'elles portait sur le livre de l'Apocalypse comme porteur d'espoir, et non seulement comme une prophétie de destruction. Dans l'Apocalypse, l'annonce de la venue d'une nouvelle Terre et de cieux nouveaux peut être comprise, entre autres, comme un nouveau rapport à la Terre, un rapport qui, pour nous, est à développer dès maintenant.»
Dans le livre de la Genèse, Dieu commande aux humains de se multiplier, de dominer la Terre et de soumettre les animaux. Certains ont utilisé cette référence pour justifier l'exploitation des ressources naturelles de la planète. D'autres, pour contrer cette interprétation, ont suggéré de présenter les humains comme des gardiens de la Création investis d'une responsabilité qui leur est confiée comme un don.
«Cette dernière image est également problématique, soutient Sébastien Doane. Elle présente les humains en dehors de la Création et n'invite pas à voir la relation d'interdépendance qui existe entre ses divers membres.» Dans un souci écologique, ce dernier propose de critiquer les postures anthropocentriques, de s'identifier à la nature et de redonner voix à la Création.
Le Lévitique, un livre de l'Ancien Testament, consacre un long chapitre à la notion d'année jubilaire où l'humain se repose comme Dieu s'est reposé au septième jour de la Création. «Cette notion est développée dans des termes qui redonnent une voix à la nature, affirme-t-il. En effet, l'année jubilaire doit permettre le repos des humains, mais aussi de la terre qui ne doit pas être ensemencée et des animaux qui ne doivent pas être utilisés pour travailler la terre. En retournant à ce texte, les interprètes d'aujourd'hui peuvent voir que l'année jubilaire peut aussi avoir des portées pour les animaux et pour la terre.»
S'il est un livre de la Bible où abondent les références directes à la nature, c'est bien le Cantique des cantiques. Ce livre décrit la relation d'amour et le mariage entre le roi Salomon et la Sulamite. La lune et le soleil sont évoqués, tout comme le vent et la rosée. Des animaux comme la colombe, le faon et la brebis, des fruits comme la pomme et le raisin, des fleurs comme le lis et la mandragore sont mentionnés, ainsi que le vin, le lait et le miel, la myrrhe et l'encens. Bref, on assiste, dans ce texte, à une célébration des multiples beautés de la nature.
Du Cantique des cantiques, le professeur fait un lien avec le Cantique des créatures, un texte attribué à saint François d'Assise. Né vers la fin du 12e siècle, celui-ci fonda l'ordre des Frères mineurs. Dans ce chant, François célèbre la vie et la Création avec ses «frères» le soleil, le vent et le feu, et avec ses «sœurs» la lune et les étoiles, l'eau et la Terre.
«François d'Assise, dit-il, s'était donné comme mission de refonder l'Église de son époque par la relation de l'humain avec la nature. Dans son texte, il table sur la relation d'interdépendance qui existe entre tous les êtres vivants. Ici pas de supériorité pour l'humain sur la nature.»
Lorsque l'on parle de François d'Assise, on ne peut passer à côté de François, l'actuel pape de l'Église catholique. En 2013, celui-ci avait adopté le nom de François en l'honneur du saint d'Assise reconnu pour son respect de la nature et des animaux. En 2015, le pape publiait une lettre encyclique, Laudato si, consacrée aux questions environnementales et sociales et à l'urgence de sauvegarder notre «maison commune», la Terre. Dans ce texte, les catholiques sont explicitement invités à vivre dans le respect de l'environnement.
«Si officiellement l'Église catholique avec le pape François reconnaît l'urgence d'agir, cette prise de position n'est pas nécessairement suivie par les diocèses, les paroisses ou les croyants, explique Sébastien Doane. La question est relativement neuve pour les différentes dénominations chrétiennes. Une prise de conscience reste à faire. Si la plupart des chrétiens luttent depuis longtemps contre la pauvreté ou la peine de mort, les enjeux de la crise écologique sont très récents sur 2000 ans de tradition.»