Que faudrait-il faire pour que le marché du travail soit plus inclusif?
Cela n'a rien de facile. Malgré les Chartes des droits et libertés au Québec et au Canada, censées les défendre, les personnes handicapées ont encore beaucoup de mal à se faire embaucher. Du côté des autochtones, j'ai l'impression qu'on prend de plus en plus conscience du bassin potentiel de candidats qu'ils représentent. Je travaille actuellement avec une chercheuse en sciences infirmières sur un projet de maison d'accueil pour des femmes autochtones victimes de violence. En plus du service de logement, elles auraient accès à une aide pour se former et trouver un emploi. C'est très impressionnant de constater à quel point il existe un extraordinaire éventail de compétences parmi les autochtones. Il faudrait vraiment que les gouvernements prennent l'engagement de les intégrer dans la vie économique et qu'ils tiennent leurs promesses. Cela dit, je pense qu'une partie de la solution aux problèmes de main-d'œuvre que nous vivons actuellement passe par une meilleure rétention des aînés sur le marché du travail.
Justement, comment expliquer que beaucoup d'organisations peinent à garder leurs salariés plus âgés ou à en recruter de nouveaux?
Rappelez-vous que dans les années 1980 et 1990, les modalités du régime des Rentes du Québec favorisaient le départ à la retraite des employés. Souvent, ils n'étaient pas financièrement avantagés s'ils choisissaient de continuer à travailler. Cette politique de type «Liberté 55» s'accompagnait d'une série de stéréotypes selon lesquels les personnes âgées étaient réfractaires à la formation, n'acceptaient pas le changement ou ne s'adaptaient pas aux nouvelles technologies. Aujourd'hui, la situation a évolué, car les entreprises ont un grand besoin de main-d'œuvre. Cependant, il faut que les politiques publiques d'emploi accompagnent ce changement. La Belgique, par exemple, investit beaucoup dans le maintien en emploi des employés plus âgés, tout en allant recruter des retraités ou des aînés sans emploi. Ces gens-là reçoivent une aide financière pour se former et bénéficier de l'assistance de bureaux-conseils pour resserrer le lien avec les employeurs. Des expériences similaires ont lieu dans des pays comme la Finlande, la Suède ou la Norvège, qui disposent de politiques actives pour aider les gens à se réinsérer sur le marché du travail.
Garder des employés plus âgés ou en recruter d'autres requiert donc des aménagements de la part des employeurs?
Certaines organisations se montrent très actives dans ce domaine. Au Québec, dès 2007, Rona a conçu une stratégie visant à offrir un emploi à des retraités qui connaissaient bien le commerce au détail et la rénovation. Cela a bien fonctionné, en partie parce qu'ils leur ont proposé des horaires plus flexibles qu'à leurs employés plus jeunes. Les recherches montrent d'ailleurs que l'aménagement du temps de travail constitue un bon incitatif pour conserver son emploi. Un autre aspect important, c'est de comprendre les motivations des employés plus âgés quand ils prennent leur retraite. Certains s'en vont, car ils en ont assez d'accomplir la même tâche. Si leurs employeurs leur proposent un nouveau poste, en les employant par exemple comme mentor, ils retrouvent une nouvelle motivation. Une deuxième carrière s'ouvre alors devant eux. C'est d'ailleurs souvent ce qui se produit avec les femmes. Un grand nombre d'entre elles ont un parcours professionnel en dents de scie, car elles ont interrompu leur travail pour veiller sur leurs enfants. Une fois leur famille élevée, plusieurs se lancent dans une nouvelle formation pour accéder à des postes de responsabilité dans l'organisation. Elles y voient une occasion de s'accomplir, alors que les hommes, qui ont travaillé sans interruption, veulent passer à autre chose. Il faut donc bien comprendre les caractéristiques sociologiques des différents groupes d'employés plus âgés, plutôt que de les englober tous dans le même moule.