«Il est indéniable que cette activité apporte énormément à la compréhension du matériel archéologique», explique le responsable du Club de taille, l’étudiant Pascal St-Jacques, inscrit au baccalauréat en archéologie. Selon lui, celui qui a travaillé la pierre saura tout de suite reconnaître les traces diagnostiques d’un éclat. «Il va savoir si c’est un artefact ou pas, affirme-t-il. Il y a vraiment des traces qu’on apprend à reconnaître parce qu’on comprend le procédé par lequel on crée les éclats de pierre.»
L’été dernier, Pascal St-Jacques a travaillé sur le site archéologique de Plaisance, dans l’Outaouais québécois. Des Amérindiens occupaient l’endroit il y a des milliers d’années. Des éclats de pierre taillée constituaient le principal type d’artefact retrouvé par l’équipe de fouilles. «Mes connaissances m’ont aidé à identifier les types d’éclats, soutient-il. Il n’y avait que des éclats de finition, d’amincissement. Pas de gros débitage.» Selon lui, les occupants n’arrivaient pas sur le site avec de la matière brute dans le but de fabriquer des objets, comme des pointes de projectile. «Ils les avaient déjà, indique-t-il. Ils les modifiaient, les réaffûtaient.»
Pour tailler la pierre, les étudiants se servent de galets et de bois de cervidés. Ce «coffre à outils» s’apparente à celui des hommes préhistoriques. Le galet est une pierre dure et lisse, de forme arrondie, qui tient dans la main et que l’on trouve dans le lit des cours d’eau. Les bois de cervidés, eux, proviennent notamment de l’orignal ou du caribou. De dimensions variables, parfois de forme cylindrique, ils sont très durs et assez polyvalents. «On s’en servait pour fracturer la pierre et aussi comme matériau pour confectionner notamment des pointes de flèche, des parties de harpon ou d’hameçon, et des aiguilles», souligne Pascal St-Jacques.
L’homme préhistorique travaillait habituellement le silex. Il taillait surtout par percussion ou par pression. La percussion dure consistait à utiliser un outil, comme le galet, fait d’un matériau plus dur que la matière travaillée. La percussion tendre se faisait avec un outil comme le bois de cervidé, plus tendre que la pierre travaillée. La taille par pression était une technique de finition employée seulement sur une pièce déjà mince. Elle consistait à détacher l’éclat par arrachement. La pression permettait notamment de raviver le tranchant d’un outil ou de façonner la forme d’une pointe de projectile.
«Les étudiants doivent apprendre à travailler avec du matériel qui donne un résultat imprécis, indique Pascal St-Jacques. Le mouvement est important, l’angle de frappe aussi. La force de l’impact, l’amplitude du geste, l’endroit où on va frapper: plusieurs variables vont avoir un effet sur le produit que l’on va créer.»
Le responsable du Club de taille s’est découvert un réel intérêt pour la taille de la pierre dès son entrée au baccalauréat. Un intérêt qui s’est depuis transformé en passion. «La préhistoire m’a toujours intrigué au plus haut point, raconte-t-il. Je vois une certaine noblesse dans l’effort de survie. La taille me permet de créer à partir de rien. Elle ne ment pas: on réussit ou on ne réussit pas.»
Les participants à l’atelier du 5 novembre dernier ont eu la possibilité de fabriquer des flèches selon la méthode préhistorique. Dans le passé lointain, la technique consistait à tailler le bout d’une tige droite pour pouvoir y insérer la pointe de pierre préalablement taillée. On fixait la pointe à l’aide d’une colle naturelle, notamment à base de résine de pin. On attachait ensuite la pointe à la tige à l’aide d’un filament détaché d’un tendon d’animal. «Ce tendon était préalablement séché, explique Pascal St-Jacques. On l’écrasait pour détacher les filaments. On mouillait ensuite un filament, ce qui le rendait malléable, et on l’enroulait autour de la pointe de pierre. En séchant, le filament durcissait et rétrécissait. Il serrait l’objet tout en étant très solide.»