23 août 2024
Pour une 8e fois, un projet étudiant de l'Université Laval remporte le concours de l'American Institute of Architects
Cette année, quelque 1400 participantes et participants en provenance de plus de 80 écoles d’architecture, principalement américaines, étaient en lice
Thomas Biscaro et Thomas Laprise sont inscrits à la maîtrise professionnelle en architecture à l'Université Laval. Zian Charron, lui, est étudiant visiteur au premier cycle. À l'hiver 2024, ils ont réalisé ensemble un projet de bâtiment bioclimatique dans le cadre de la concentration Ambiances physiques et design architectural, une formation offerte à l'École d'architecture par les professeurs Claude Demers et André Potvin. Leur travail intitulé Pinguatigaq, «petite montagne» en langue inuite, figure parmi les dix meilleures propositions soumises au concours international annuel de l'American Institute of Architects, a-t-on appris aujourd'hui par communiqué. Il s'agit du huitième projet gagnant à ce concours par des équipes étudiantes de l'École d'architecture de l'Université Laval depuis 2019.
Le concours, organisé en partenariat avec l'Association of Collegiate Schools of Architecture, a attiré plus de 1400 participantes et participants en provenance de plus de 80 écoles d'architecture, principalement américaines. Cinq écoles canadiennes étaient de la partie.
Selon le professeur Potvin, le principal facteur expliquant ces succès à répétition se trouve du côté de la méthode de design qu’il a élaborée avec sa collègue. «Notre méthode, souligne-t-il, intègre aussi bien les aspects sensibles de l’expérience spatiale que les aspects techniques. Des outils analogiques et numériques permettent d’analyser l’environnement des bâtiments et le bien-être des usagers relativement à la lumière, à la thermique et à l’acoustique. La méthode permet de calculer, de vérifier les aspects physiques de l’espace.»
Un terrain au bout du monde
Trouver une solution intelligente au climat nordique au point de vue énergie et bien-être en explorant l’architecture bioclimatique, tel était le but de l’atelier Ambiances physiques et design architectural.
Cette formation comportait un volet terrain, bien loin de Québec, plus précisément à Iqaluktuuttiaq, un village inuit de 1700 âmes situé au Nunavut, sur l’île Victoria, à mi-chemin entre Yellowknife et Resolute Bay. Douze étudiantes et étudiants de l’atelier ont pris part à l’aventure. Le voyage a été rendu possible grâce à une initiative de Sentinelle Nord, la stratégie de recherche sur l’environnement nordique de l’Université Laval.
«Nos étudiantes et nos étudiants ont découvert avec émerveillement le paysage, l’horizontal, le blanc, raconte le professeur. Ils ont aussi vu tous les problèmes qu’avait la population inuite. Ils ont visité le centre communautaire et la banque alimentaire et ils ont déchanté. Ils ont été en mesure de bien comprendre les réalités et cela a transparu dans leurs projets.»
Les statistiques indiquent que 70% des gens souffrent d’insécurité alimentaire dans les populations inuites du Nord. Ces années-ci, une chasse moins fructueuse voit les Inuits se tourner vers la malbouffe venue du Sud. L’insécurité alimentaire se constate aussi au niveau des femmes enceintes bien souvent privées d’éléments essentiels à une grossesse en santé.
Un bâtiment bioclimatique
À la fin de leur séjour au Nunavut, les étudiantes et les étudiants ont fait la présentation d’une version préliminaire de leurs projets devant une centaine de citoyens. Thomas Biscaro, Thomas Laprise et Zian Charron ont imaginé un bâtiment bioclimatique aux lignes fluides et à la forme épurée s’inscrivant dans l’immensité d’un paysage à perte de vue, aride, sauvage, battu par les vents.
Le projet Pinguatigaq est inspiré d’une légende locale ancienne, celle d’un couple de géants et de leur fils.
«Le bâtiment est conçu pour optimiser les gains solaires et se protéger des vents du Nord, explique André Potvin. La forme aérodynamique crée un espace extérieur microclimatique où on peut se réunir en plein hiver. Le bâtiment se veut un endroit très discret dans le paysage sur lequel les gens peuvent monter pour observer le territoire.»
Le bâtiment imaginé s’appuie sur trois piliers. L’un d’eux consiste à introduire des pratiques agricoles innovantes, soit une serre bioclimatique et une serre hydroponique. «Les serres sont presque inexistantes dans les climats extrêmes du Nunavut, souligne le professeur. Les serres du projet visent donc à augmenter la production locale d’aliments, tout en prolongeant la saison de croissance des plantes.» Le projet prévoit une serre bioclimatique de 500 mètres carrés et une serre hydroponique de 300 mètres carrés. Cette dernière a la particularité de fonctionner à l’année longue. Au total, les deux serres peuvent produire suffisamment d’aliments pour nourrir environ 400 résidents du village.
Un autre pilier vise à préserver les activités traditionnelles de chasse. Enfin, le troisième propose de faire du bâtiment un carrefour communautaire où célébrer et renforcer la culture et les traditions inuites.