
Mgr Ferdinand Vandry, recteur de l'Université Laval, adresse la parole aux invités d'honneur au début de la cérémonie de bénédiction des terrains de la cité universitaire en septembre 1947. Maurice Duplessis était parmi les dignitaires invités.
«L’exposition que j’ai créée en 2009 a évolué, explique Alain Lavigne. Elle couvre l’histoire de l’Union nationale, de sa naissance en 1936 à sa dissolution en 1989. Son contenu s’est enrichi de 50%.»
Produite par le Musée québécois de culture populaire de Trois-Rivières, la nouvelle version s’intitule «Duplessis donne à sa province. Le marketing politique de l’Union nationale». Le professeur Lavigne en est le commissaire, c’est-à-dire l’artisan. Une série de panneaux montrent des photographies et autres documents graphiques. Des vitrines mettent des objets promotionnels en valeur. «La plupart des artéfacts sont tirés de ma collection personnelle, indique-t-il. Pour les choisir, j’ai tenu compte de leur signification pour les résidents de la capitale. Je me suis efforcé de faire ressortir l’information locale.»
Chef populiste et charismatique, Maurice Duplessis a conduit le parti provincial de l’Union nationale à la victoire en 1936, puis en 1944, 1948, 1952 et 1956. Il est décédé en fonction en 1959. Le parti qu’il dirigeait était d’idéologie conservatrice. Cela n’a pas empêché les stratèges de l’Union nationale d’exploiter avec succès des pratiques de base en marketing politique moderne. En fait, ils étaient passés maîtres dans l’information de masse, la publicité, la communication de réseautage et la gestion de l’image.
«Dans les années 1950, l’Union nationale était tout à fait en diapason avec le marketing politique en train de se développer aux États-Unis», souligne Alain Lavigne. Selon lui, cette machine politique «incomparable» affichait un modernisme surprenant. Entre autres, elle utilisait de pleines pages publicitaires dans les journaux.
Les stratèges unionistes ont fait preuve d’une créativité tous azimuts. Ils ont imaginé des promesses électorales imprimées à l’intérieur de cartons d’allumettes, un petit catéchisme destiné aux électeurs et un casse-tête représentant le cabinet ministériel de l’Union nationale en réunion. Ces véritables professionnels ont créé des capsules publicitaires radiophoniques, des films de propagande, des affiches spectaculaires et des slogans publicitaires, sans oublier un journal partisan publié chaque semaine. Dans ce marketing politique d’une redoutable efficacité, l’image du chef Maurice Duplessis était habilement entretenue.
«Des messages passés sur des objets du quotidien, comme les cartons d’allumettes, constituaient de beaux clins d’œil, soutient Alain Lavigne. Pour l’élection de 1948, le slogan sur ces cartons était: «Les libéraux donnent aux étrangers. Duplessis donne à sa province.»
Le message n’a pas toujours bien passé dans la capitale, toutefois. L’exposition montre la faiblesse de la représentation unioniste à Québec sous Duplessis, à l’exception des élections de 1936 et 1956. Aucun candidat de l’Union nationale n’est élu en 1939. Même chose en 1944. «Il faut attendre 1948 pour voir ce parti prendre trois des quatre circonscriptions de Québec, rappelle Alain Lavigne. Mais deux de ces victoires sont acquises de peine et de misère. Gérard Guay obtient 404 voix de majorité et Jean-Alphonse Saucier, 844. Même sous Duplessis, Québec demeure une forteresse du Parti libéral, tant au provincial qu’au fédéral.»
Un professeur de médecine dentaire de l’Université Laval a brigué le poste de député unioniste de la circonscription de Québec-Centre durant la campagne électorale de 1936. Candidat vedette, le Dr Philippe Hamel apparaît sur son affichette électorale revêtu de la toge universitaire. Il a été élu. Une photo a été prise en 1947 à Sainte-Foy sur le site de la future cité universitaire. Elle montre le recteur Ferdinand Vandry adressant la parole aux invités d’honneur, dont le premier ministre Duplessis, au début de la cérémonie de bénédiction des terrains.
En 1956, l’Union nationale remporte deux circonscriptions dans la capitale par de très confortables majorités. Durant la campagne électorale de 1960, le député unioniste de Québec-Est, Armand Maltais, apparaît sur une carte postale partisane. Le texte suivant accompagne la photo: «Électeurs de Québec-Est ne l’oublions jamais: La province de Québec est la forteresse de nos droits; il faut la rendre invincible; il faut la rendre maîtresse de ses destinées politiques.» Maltais sera réélu. Il le sera également aux élections de 1966.
Alain Lavigne fera des visites guidées les dimanches 21 avril et 2 mai, de 13h à 16h. En marge de l’exposition, le mercredi 27 mars à 20h, il prononcera aussi une conférence publique à la salle 1640 du pavillon Louis-Jacques-Casault. Le thème: «Duplessis, l’invention du marketing politique».
Jusqu’au 19 mai, à la Villa Bagatelle, au 1563, chemin Saint-Louis. Ouvert du mercredi au dimanche, entre 13h et 17h. Entrée libre.