
«Guy Turcotte fera toujours l'objet d'un contrôle social.»
Des gens en colère
Cela dit, Julie Desrosiers comprend très bien que le verdict rendu envers Guy Turcotte suscite un tollé auprès de la population. Car cette affaire sort des sentiers battus à plusieurs égards, à commencer par le statut de l’accusé, de rappeler la juriste lors d’une conférence organisée récemment par la Chaire La philosophie dans le monde actuel et l’Institut d’éthique appliquée (IDÉA) sur le thème de la responsabilité morale et criminelle.
«Dans notre société, constate Julie Desrosiers, il est plus difficile d’avoir de la compassion pour un homme désespéré qui tue ses enfants parce que sa femme l’a quitté, que pour une mère qui pose le même geste et qui souffrirait, par exemple, de détresse psychologique et d’épuisement.» Par ailleurs, les gens sont en colère parce que le cardiologue Guy Turcotte, comme individu, possédait ce que plusieurs n’ont pas: une profession extrêmement valorisante et respectée, des moyens financiers très au-dessus de la moyenne et, enfin, un contexte de vie offrant la possibilité d’une aide psychologique en cas de détresse. En somme, Guy Turcotte ne correspond en aucun point au prototype de l’homme violent. Mais c’est justement parce que cet homme ne correspond pas à ce profil qu’on s’identifie davantage à lui. Bref, le phénomène joue autant en sa faveur qu’en sa défaveur, note Julie Desrosiers.
Malgré tout le débat entourant le verdict de ce procès hautement médiatisé, il faut continuer à faire confiance en la justice qui, soit dit en passant, n’a pas dit son dernier mot, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec ayant interjeté appel. «Oui, il se peut qu’il y ait eu une mauvaise décision car le droit n’est pas infaillible, dit Julie Desrosiers. Mais ce ne serait pas une bonne idée de légiférer sur la base d’un cas comme celui-là et qui pourrait mener à des projets de loi plus répressifs. Quant à l’individu lui-même, il est faux de penser qu’il n’a pas été puni et qu’il s’en sort indemne. Outre l’interjection en appel, Guy Turcotte restera toujours un meurtrier dans la tête des gens. Il fera toujours l’objet d’un contrôle social.»