
— Marc Robitaille
Alors que la planète se désagrège lentement sous l’effet de l’activité humaine, bien des gens lancent, avec raison, des cris d’alarme et tentent de freiner un développement irrespectueux de l’environnement. Sans nier la nécessité de lutter contre «les périls de toutes sortes qui menacent notre survie», l’auteur de Terra erotica appelle à la révolution culturelle. Baptisés ou pas, croyants ou pas, il faut revoir «notre manière de rêver et d’habiter la planète», écrit Luc Bureau. Il faut comprendre non seulement comment nous avons pu nuire à ce point à l’environnement, mais aussi pourquoi nous avons exercé une telle violence à son endroit. Compréhension qui pourrait favoriser «la régénération de tout un pan de la culture» et la redécouverte «pour notre compte d’un continent oublié». Quel pan? Quel continent?
Une relation érotique au monde
«Notre relation à la Terre et au monde est fondamentalement une relation de désir, de sensualité, d’amour diffus: bref, une relation érotique», écrit l’auteur de Terra erotica. Énoncé qu’il avance avec une extrême prudence: «la chose est éminemment risquée», écrit-il juste avant de se lancer. Si les risques sont du côté de l’auteur, l’étonnement est certainement du nôtre, les lecteurs. Notre relation au monde serait une relation érotique? Voilà un énoncé qui, en lui-même, fait révolution. Mais à quel type de révolution nous appelle donc l’auteur de Terra erotica? Est-ce un drôle qui nous invite tous à la partouze? Déçus seront ceux ou celles qui le souhaitent, car «Éros n’est pas ce qu’on dit», écrit Luc Bureau, dont l’amour des mots n’empiète pas sur la rigueur scientifique.
Ni gai luron ni gros coquin, Éros serait plutôt, s’il faut en croire le géographe, «le plus beau des dieux immortels» et, plus encore, «une puissance primordiale» qui «assure l’union entre (d)es éléments qui, autrement, ne subsisteraient que dans une indifférence ou un antagonisme destructeur. C’est sous son égide que s’opère le mariage de la Terre et du ciel, des dieux et des déesses, du Soleil et de la Lune, de l’époux et de sa bien-aimée, de l’homme et de la Terre.» Bref, Éros serait le symbole même de l’attraction universelle, celui qui «lie les êtres et les choses, donnant ainsi vie et sens au monde qui nous entoure». Autrement dit, Éros est fort différent du Dieu judéo-chrétien que nous connaissons bien, ce fameux «Verbe incarné en ses mystères» qui fait reposer son règne sur la division (entre le ciel et la Terre, l’âme et le corps, le vice et la vertu, la vie et la mort, etc.). Au contraire, Éros est celui «qui assure l’union des éléments et qui suscite le désir amoureux», écrit Luc Bureau.
Plaidoyer pour Éros, Terra erotica est aussi un chant d’amour pour la Terre. Ou un traité de géographie érotique, mais qui n’a rien à voir, comme le dit son auteur, «avec une géographie du sexe». Au fil des pages, on découvre qu’il n’y a peut-être pas d’autre façon de vraiment habiter le monde qu’érotiquement.