De la pourpre cardinalice au rouge bolchevique
L’ex-felquiste Charles Gagnon, secrétaire général de l’organisation communiste marxiste-léniniste En Lutte!, créée en 1972 et sabordée en 1982, avait déclaré être entré dans le maoïsme, une idéologie développée par Mao Zedong, leader du Parti communiste chinois, comme on entre en religion. De nombreux prêtres, qui avaient défroqué, ont adhéré au marxisme-léninisme dans les années 1970. Le nouveau membre devait renoncer à l’ensemble de son éducation bourgeoise, ne lire que de la littérature marxiste et ne fréquenter que des marxistes. Les figures de Mao et de Staline étaient perçues comme infaillibles et leurs écrits comme des textes bibliques.
Selon Jean-Philippe Warren, on peut établir des parallèles entre le mouvement marxiste-léniniste et l’Église catholique. De part et d’autre se trouvent des détenteurs de la Vérité, des interprètes certifiés de la Révélation et des fidèles qui suivent les enseignements des officiants. Le rapport à la Vérité et aux textes fondateurs est semblable. Les enseignements sont simplifiés, épurés jusqu’au manichéisme. Une même morale, faite de discipline et de culpabilité, sévit. «Il me semble, soutient-il, qu’on peut parler d’un mysticisme religieux lorsqu’on aborde les groupes marxistes-léninistes québécois.»
Pourquoi le marxisme-léninisme a-t-il pris racine au Québec? «À cette époque, tout était possible, raconte le professeur Warren. On a vu la montée du radicalisme politique entre 1968 et 1970. De jeunes militants arrivent à la conclusion qu’il faut créer un parti d’avant-garde qui va guider les ouvriers vers la terre promise. Ils ont l’impression que seul le marxisme offre une interprétation juste du devenir humain. Il permet de rendre les choses claires. Tous les défis du Québec, comme le nationalisme, le féminisme et la question autochtone, sont relégués au second plan au profit de la lutte des classes. Le communisme est présenté comme une panacée.»