La maladie de Huntington provoque une dégénérescence neuronale entraînant des troubles moteurs et cognitifs menant progressivement à la perte d'autonomie et à la mort. Cette maladie héréditaire apparaît, règle générale, autour de la quarantaine et les traitements actuels ne font que contrôler certains symptômes sans ralentir le processus neurodégénératif. La maladie de Huntington est causée par une mutation dans le gène de la huntingtine, une protéine qui joue un rôle dans la régulation de plusieurs fonctions cellulaires. La protéine défectueuse forme des agrégats insolubles dans le cytoplasme et le noyau des neurones, ce qui conduirait à leur dégénérescence.
La cause de cette maladie est bien connue, mais ce n'est pas le cas pour les processus physiologiques qui y sont associés. Certaines maladies neurologiques, telles que le parkinson et l'alzheimer, s'accompagnent de modifications dans la vascularisation du cerveau et dans la barrière hématoencéphalique, l'interface qui assure les échanges entre la circulation sanguine du corps et celle du système nerveux central. Afin de déterminer si ces changements sont également présents dans la maladie de Huntington, l'équipe dirigée par Francesca Cicchetti, professeure à la Faculté de médecine et chercheuse au CHU de Québec-Université Laval, a étudié le cerveau de 7 personnes atteintes de la maladie de Huntington et celui de 24 personnes décédées des suites de la maladie. Elle a aussi procédé aux mêmes examens chez des souris exprimant les principaux symptômes de la maladie.
Les données collectées par les chercheurs révèlent la présence d'agrégats de huntingtine mutée dans toutes les composantes majeures des vaisseaux sanguins du cerveau. De plus, comparé aux cerveaux normaux, le cerveau des personnes atteintes montre une densité plus élevée de vaisseaux sanguins et un diamètre réduit de ces vaisseaux. «Les anomalies observées dans les vaisseaux sanguins cérébraux semblent provoquer des fuites dans la barrière hématoencéphalique, ce qui pourrait permettre aux protéines pathologiques de se propager du système nerveux périphérique vers le système nerveux central», souligne Francesca Cicchetti.
Pour l'instant, les chercheurs ignorent si ce mécanisme enclenche la maladie ou s'il contribue uniquement à sa progression. «Par contre, ces résultats ainsi que d'autres observations que nous avons publiées l'an dernier dans la même revue scientifique suggèrent fortement que la maladie n'est pas uniquement le résultat d'un phénomène intrinsèque aux neurones, c'est-à-dire le résultat d'une mutation génique, mais qu'au contraire des cellules saines peuvent à leur tour être infectées par la protéine mutée», soutient la professeure Cicchetti.
Cette percée ouvre de nouvelles perspectives dans le traitement de la maladie de Huntington. «Si le transport de la protéine mutée vers le cerveau est facilité par des vaisseaux sanguins anormaux et une barrière hématoencéphalique plus perméable, on pourrait songer à développer des thérapies qui visent à restaurer l'étanchéité de cette dernière et à prévenir la migration de cellules porteuses de huntingtine mutée vers le cerveau», conclut la chercheuse.
Seize chercheurs signent l'étude supervisée par la professeure Cicchetti. Les autres signataires de l'Université Laval sont Janelle Drouin-Ouellet, Giulia Cisbani, Marie Lagacé, Martine Saint-Pierre, Wael Alata, Isabelle St-Amour, Frédéric Calon et Steve Lacroix.