
Même les enfants en mesure de comprendre les consignes et de se gargariser correctement peuvent éviter l'écouvillon grâce au prélèvement par gargarisme.
— CISSS de Chaudière-Appalaches
Imaginez que pour fournir l'échantillon qui servira à déterminer si vous avez la COVID-19, on vous offrait le choix suivant. Ou bien on vous insère un écouvillon qui vous racle les parois de la cavité nasale jusqu'au fond de la gorge ou on vous demande de vous gargariser pendant 20 secondes avec de l'eau de source. Si, en plus, on vous disait que les deux méthodes se valent sur le plan de la sensibilité, subsisterait-il le moindre doute dans votre esprit?
Ce scénario n'a rien d'hypothétique à mesure que s'accumulent les preuves de l'efficacité des prélèvements par gargarisme pour le dépistage de la COVID-19. La plus récente étude sur le sujet, dirigée par Jeannot Dumaresq, de la Faculté de médecine de l'Université Laval et du Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches, vient de paraître dans Journal of Clinical Virology.
Les chercheurs ont recruté près de 1000 patients de 6 ans ou plus qui s'étaient présentés dans une clinique de dépistage en raison de symptômes s'apparentant à la COVID-19. Chacun d'eux a fourni un prélèvement par écouvillon et un prélèvement par gargarisme.
Les analyses effectuées par les chercheurs révèlent que la sensibilité des deux méthodes de prélèvement est comparable: elle s'établit à 95,3% pour le gargarisme et à 93,8% pour les écouvillons. «Aucune méthode ne permet de détecter tous les cas, mais c'est ce qu'on observe pour tous les tests de dépistage, quelle que soit la maladie infectieuse. Une sensibilité de 95% est un résultat très acceptable et c'est le mieux qu'on peut espérer avec les technologies actuelles», souligne le professeur Dumaresq. Quant à la spécificité du test (proportion de sujets non atteints dont le test s'est révélé négatif), elle s'établit à plus de 99% pour les deux méthodes de prélèvement, précise-t-il.
L'écouvillonnage est une méthode bien connue, mais peu appréciée pour obtenir un échantillon nasopharyngé. Certaines personnes, notamment les travailleurs qui doivent se faire régulièrement tester pour la COVID-19, développent une aversion pour ce mode de prélèvement. «Pour le prélèvement par gargarisme, on demande simplement à la personne de se gargariser pendant 20 secondes avec 5 millilitres d'eau de source commerciale; on recueille le liquide dans un gobelet et on le transfère dans un tube de transport qui est expédié au laboratoire», résume le professeur Dumaresq.
L'idée d'utiliser de l'eau de source commerciale pour effectuer un prélèvement a germé dans l'esprit de ce microbiologiste infectiologue alors qu'il cherchait une façon de contourner les réticences des gens à se faire tester pour la COVID-19. «Les essais réalisés avec la salive posaient des problèmes techniques au laboratoire. Il faut soumettre la salive à un prétraitement avec des enzymes et il faut la diluer pour réduire sa viscosité sinon le pipetage automatique risque de mal fonctionner, souligne-t-il. L'eau de source règle le problème de viscosité et elle facilite le prélèvement chez les personnes qui produisent peu de salive. De plus, contrairement à l'eau du robinet, dont le contenu en minéraux peut varier entre les municipalités, l'eau de source est homogène.»
— Jeannot Dumaresq
L'étude réalisée par le professeur Dumaresq et ses collaborateurs a fait son chemin au Québec, si bien que l'offre de prélèvement par gargarisme a précédé la publication des résultats dans une revue scientifique. Une directive ministérielle émise le 12 mai dernier et mise à jour le 4 août invitait les établissements du réseau de la santé à évaluer la possibilité de recourir à cette méthode. «Elle est maintenant offerte dans presque toutes les régions administratives du Québec. En Chaudière-Appalaches, environ 85% des prélèvements sont maintenant faits par gargarisme», signale Jeannot Dumaresq.
En plus d'être fiables et d'une grande acceptabilité par les usagers, les prélèvements par gargarisme ne nécessitent aucun matériel menacé d'être en rupture de stock, comme les écouvillons l'ont été en début de pandémie, rappelle le professeur Dumaresq. «De plus, ils ne requièrent pas l'intervention de personnel spécialisé. Toute personne, même des enfants, en mesure de comprendre les consignes et de se gargariser correctement peut profiter de cette méthode.»