20 juin 2025
De la pression organisationnelle à la masculinité: bien des raisons derrière la violence chez les coachs
Une étude explore les facteurs qui peuvent amener les entraîneuses et les entraîneurs à croire aux avantages du recours à la violence auprès de leurs athlètes

Les entraîneuses et entraîneurs ressentent beaucoup de pression de leur organisation sportive, qui veut des résultats. Les coachs comme les athlètes doivent performer.
— Getty Images
«Bonsoir tout Facebook! Aujourd'hui pendant un match de hockey de mon garçon j'ai été filmé en train de lui crié [sic] dessus! Je crois que pas mal tout le monde a vue [sic] cette vidéo! Je ne suis pas très fier de mon agissement! Ceux qui me connaissent bien savent que je ne suis pas comme cela dans la vie! Oui j'y est [sic] été fort! Oui mon garçon ne méritait pas cela!»
La scène en question s'est déroulée au mois de janvier 2019 au Québec. La vidéo, qui est devenue virale sur le Web, montre un entraîneur au hockey mineur grondant vertement, et pendant plusieurs secondes, l'un de ses joueurs de retour au banc parce qu'il est insatisfait de son jeu.
Un tel comportement ne surprend pas Deziray De Sousa, stagiaire en recherche à la Chaire de recherche sécurité et intégrité en milieu sportif au Département d'éducation physique de l'Université Laval et doctorante en psychologie à l'UQAM.
«La violence interpersonnelle s'observe à tous les niveaux dans les sports organisés, même aux niveaux local et récréatif, explique-t-elle. Les entraîneurs ressentent beaucoup de pression de leur organisation sportive. Celle-ci veut des résultats, compte tenu des ressources et de l'argent qu'elle investit pour que les athlètes performent, qu'ils soient motivés. Elle ne veut pas d'échecs. Les coachs comme les athlètes doivent performer.»
Le jeudi 19 juin, au Centre des congrès de Québec, à l'occasion du 1er Congrès international sur la recherche en sport sécuritaire, une activité organisée par la Chaire, Deziray De Sousa a prononcé une conférence, à titre de première auteure, sur une étude en processus de publication intitulée «The Role of Social Norms and Organizational Pressure on Coaches' Violence Perpetration: Mediating Effect of Coaches' Beliefs About Violence». Cette recherche a été réalisée par une dizaine de chercheuses universitaires, la plupart de l'Université Laval. Un total de 766 coachs de 18 ans et plus actifs dans des sports organisés au Québec ont constitué l'échantillon.
Une problématique bien connue, omniprésente et menaçante
La violence interpersonnelle dans les sports est une problématique bien connue du monde de la recherche. Omniprésente, celle-ci menace le bien-être physique, social et psychologique des athlètes, filles et garçons. Les théories sociologiques avancent qu'un lien existe entre, d'une part, la pression organisationnelle et l'adhésion aux normes sociales telles que la masculinité et l'éthique sportive et, d'autre part, les croyances des entraîneurs et entraîneuses dans les effets instrumentaux de la violence dans leur travail. Cette attitude peut conduire au recours à la violence interpersonnelle.
«Notre étude met en lumière l'influence de la masculinité et de l'éthique sportive sur les coachs, soutient Deziray De Sousa. L'éthique sportive véhicule l'idée que le sport est la chose la plus importante dans la vie de l'athlète et qu'il doit tout lui sacrifier. Une autre idée est que l'athlète doit repousser ses limites. Il doit aussi adopter les normes masculines qu'on peut trouver dans la vie de tous les jours. L'athlète ne doit pas se montrer vulnérable ou faible, sinon les autres vont prendre l'avantage sur lui. Il doit être fort.»
Selon la chercheuse, les études montrent que la prévalence de comportements violents par les entraîneuses et entraîneurs est somme toute élevée. «Les chercheurs, dit-elle, évaluent qu'entre 44% et 86% des coachs ont recours à la violence à un moment ou à un autre.»
Des formes de violence diverses
Les formes de violence interpersonnelle sont nombreuses. Celle-ci peut être physique, instrumentale, sexuelle et psychologique. La violence psychologique est la plus présente. Elle se manifeste non seulement de la part de l'entraîneuse ou de l'entraîneur envers l'athlète, mais aussi entre athlètes ou bien entre divers membres du milieu sportif. Les situations de violence interpersonnelle se passent durant les matchs, mais aussi durant les entraînements.
«Les études démontrent que la violence vécue par les athlètes vient 2 fois sur 3 d'un entraîneur», précise la stagiaire en recherche.
En violence physique, le coach peut lancer des objets à l'athlète ou le frapper. En violence psychologique, l'athlète peut recevoir des critiques, des insultes. Une des formes de violence psychologique est la négligence. La violence sexuelle comprend du harcèlement, des attouchements inappropriés. Cela peut survenir lorsque l'entraîneuse ou l'entraîneur entre dans le vestiaire alors que les athlètes sont en train de se changer.
«La violence instrumentale, explique Deziray De Sousa, est une forme spécifique qui est un peu la combinaison des autres formes de violence. Pour augmenter sa performance, on dit à l'athlète de consacrer tout son temps à son sport, donc d'arrêter de voir ses amis. Ou bien on le force à jouer blessé. Ou à prendre des drogues pour augmenter sa performance.»
Selon elle, l'étude amène des réponses aux hypothèses de l'équipe de chercheuses. «Notre recherche, souligne-t-elle, constitue une première étape et donne des pistes d'intervention. Les répondants ont dit ressentir beaucoup de pression de leur organisation. Ils se conforment aux normes qui leur disent que leur recours à la violence est quelque chose de normal et nécessaire. Cela va prendre beaucoup de travail pour déconstruire les normes dans le sport et les attitudes des entraîneurs à l'égard des effets instrumentaux de la violence. Ils ne sont pas outillés de pratiques alternatives.»
Les autres signataires de l'étude sont Ariane Bélanger-Gravel, Marie-Hélène Gagné, Sophie Labossière, Sylvie Parent, Stephanie Radziszewski et Andréa Woodburn, de l'Université Laval, Hélène Paradis, de l'Université de Montréal, et Tine Vertommen, de l'Université Thomas More.