20 novembre 2025
Les «déchets» auraient leur place dans la culture du maïs
Remplacer une partie des engrais chimiques par des résidus organiques produits par les villes ou certaines entreprises ne nuit pas à l'équilibre nutritionnel des plantes ni aux rendements aux champs

Le recours aux matières résiduelles fertilisantes générées par les activités de villes et de certaines entreprises permettrait de réduire la quantité d'engrais chimiques appliquée dans les champs de maïs. Les cultures de céréales pourraient aussi profiter de cette substitution partielle.
— Fishhawk
Les producteurs et productrices de maïs du Québec n'ont pas à craindre une baisse de rendement s'ils remplacent une partie des engrais chimiques qu'ils appliquent sur leurs champs par des matières résiduelles fertilisantes (MRF) telles que le compost, les boues d'usine d'épuration et les résidus des usines de désencrage. L'étudiant-chercheur Jean-Dominic Côté et le professeur Lotfi Khiari, du Département des sols et de génie agroalimentaire de l'Université Laval, en font la démonstration dans un article publié par la revue Field Crops Research.
Au Québec, les activités des villes telles que la collecte des déchets compostables, la biométhanisation ou l'épuration des eaux usées, et celles des entreprises telles que les papetières ou les usines de désencrage génèrent annuellement 4,55 millions de tonnes de résidus organiques. Environ 65% de ces matières sont recyclées, notamment en compost (23% du tonnage recyclé) ou en MRF appliquées sur les champs agricoles (34% du tonnage recyclé). Environ le tiers des résidus organiques prennent encore le chemin des sites d'enfouissement ou de l'incinérateur.
«D'un point de vue théorique, l'utilisation des MRF présente des avantages indéniables pour assurer une agriculture durable. Lorsqu'on envoie nos déchets à l'enfouissement ou à l'incinération, les nutriments qu'ils contiennent sont en quelque sorte perdus. En recyclant nos déchets organiques, on s'assure de fermer la boucle en réinsérant les nutriments dans le cycle de production. Les MRF contribuent aussi au maintien et à l'amélioration des propriétés physiques et chimiques des sols ainsi qu'à leur activité biologique», souligne Jean-Dominic Côté.
L'idée de remplacer les engrais chimiques par des MRF ne fait pas l'unanimité chez les producteurs et productrices de maïs. En effet, certains craignent que les MRF entraînent une baisse de rendement dans les champs en raison d'une biodisponibilité moins grande des éléments nutritifs qu'elles contiennent. Afin de déterminer si ces craintes étaient fondées, Jean-Dominic Côté et Lotfi Khiari ont mené des expériences à la station agronomique de l'Université Laval, située à St-Augustin-de-Desmaures, et à la ferme expérimentale de l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), située à Saint-Lambert-de-Lauzon.
«Nous avons testé, pendant deux saisons de croissance, l'effet de huit types de MRF sur l'équilibre nutritionnel et les rendements du maïs. La quantité de MRF utilisée permettait de répondre entièrement aux besoins en phosphore des plantes et au tiers de leurs besoins en azote. Le reste a été comblé par des engrais chimiques», précise l'étudiant-chercheur.
Les données obtenues montrent que toutes les MRF testées en combinaison avec des engrais chimiques assurent un équilibre nutritionnel au moins aussi bon qu'une fertilisation reposant uniquement sur des engrais chimiques. Pour ce qui est des rendements, les combinaisons MRF-engrais chimiques font aussi bien que les engrais chimiques seuls.
«Nos résultats suggèrent que les MRF peuvent remplacer une partie des engrais chimiques sans que la santé des plantes ou le rendement en souffrent, résume Jean-Dominic Côté. La transformation de déchets organiques en intrants agronomiques contribue à l'agriculture durable et à la résilience des systèmes agricoles tout en réduisant les coûts de production.»
Au cours des dernières années, la crainte que des MRF puissent contenir certains contaminants, notamment des composés organiques fluorés aussi appelés polluants éternels, a pu refroidir l'intérêt du monde agricole pour ces types d'amendement des sols, souligne l'étudiant-chercheur.
«L'aspect environnemental du recyclage des MRF doit absolument être étudié afin de garantir leur innocuité et de rassurer le public, insiste-t-il. C'est pourquoi nos collaborateurs de l'Université de Montréal, de l'Université McGill, du Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec et de l'IRDA étudient la question.»
L'article signé par Jean-Dominic Côté et Lotfi Khiari peut être consulté sur le site de la revue Field Crops Research. Le professeur Khiari est rattaché à l'Institut en environnement, développement et société de l'Université Laval.

























