23 octobre 2025
Deux stresseurs psychosociaux responsables de 20% des maladies coronariennes chez les cols blancs
La tension au travail et le déséquilibre effort-reconnaissance créeraient un stress chronique conduisant à des maladies comme l'angine de poitrine et l'infarctus du myocarde

La tension au travail survient lorsque les demandes psychologiques sont élevées et que la latitude décisionnelle est faible. Dix-huit pour cent des cas de maladies coronariennes survenus pendant l'étude sont attribuables à ce facteur.
— Getty Images/Jacob Wackerhausen
S'il fallait une preuve supplémentaire des méfaits des stresseurs psychosociaux au travail sur la santé des cols blancs, elle vient d'être apportée par une étude publiée dans JACC: Advances, une revue scientifique de l'American College of Cardiology.
Après avoir suivi un groupe de plus de 6000 cols blancs pendant 15 ans, une équipe internationale, composée en majeure partie de membres de la Faculté de médecine de l'Université Laval, arrive à la conclusion que près de 20% des maladies coronariennes survenues dans cette cohorte seraient attribuables au fait d'occuper un emploi caractérisé par une tension au travail et un déséquilibre effort-reconnaissance.
«La tension au travail survient lorsque les demandes psychologiques sont élevées et que la latitude décisionnelle du travailleur est faible, précise la première auteure de l'étude, Mathilde Lavigne-Robichaud. Quant au déséquilibre effort-reconnaissance, il se manifeste lorsque les efforts investis dans le travail sont disproportionnellement élevés par rapport aux reconnaissances obtenues, qu'il s'agisse de salaire, de sécurité d'emploi, des possibilités de promotion ou de l'estime et du respect des pairs ou des gestionnaires.»
Pour réaliser cette étude, l'équipe de recherche a utilisé des données provenant de PROspective Québec. Initiée au début des années 1990, cette étude à long terme porte sur les stresseurs psychosociaux au travail pouvant affecter la santé de cols blancs travaillant dans 19 organisations québécoises. Un sous-échantillon de 6295 personnes exemptes de maladies coronariennes au moment du recrutement a servi aux analyses présentées dans JACC: Advances.
L'équipe scientifique a d'abord évalué les différents stresseurs auxquels ces cols blancs étaient exposés dans le cadre de leur travail. Par la suite, à l'aide de bases de données gouvernementales, elle a repéré les cas de maladies coronariennes survenus dans cette cohorte entre 2004 et 2018.
Pendant la période de suivi, 669 cas ont été détectés. Les analyses ont établi que 18% des cas étaient attribuables à la tension au travail et que 3% étaient attribuables au déséquilibre effort-reconnaissance. Enfin, 19,5% des cas étaient attribuables à l'exposition combinée à ces deux stresseurs.
«Nos résultats peuvent être considérés comme pertinents pour une large portion de la main-d'œuvre canadienne, compte tenu de la prévalence élevée des stresseurs psychosociaux au travail dans différents secteurs professionnels», commente Mathilde Lavigne-Robichaud.
Selon la chercheuse, l'hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer ces résultats est que l'exposition chronique à ces stresseurs psychosociaux au travail activerait des mécanismes physiologiques favorisant la formation de plaques à l'intérieur des artères coronariennes, obstruant ainsi la circulation sanguine. L'effet de ces stresseurs se combinerait à celui d'autres facteurs de risque reconnus des maladies coronariennes tels que l'hypertension artérielle.
«Les stresseurs psychosociaux au travail sont, heureusement, des facteurs de risques modifiables. Notre équipe a déjà montré que des interventions organisationnelles comme une réduction de la demande psychologique, une plus grande participation des employés à la prise de décision ou une plus grande offre d'occasions de développement professionnel parvenaient à diminuer ces stresseurs psychosociaux et à produire des effets bénéfiques sur la tension artérielle et sur l'hypertension.»
La Loi 27, qui modernise le régime de santé et de sécurité du travail, vient d'entrer en vigueur au Québec. En vertu de cette loi, les employeurs doivent prévenir et gérer les risques psychosociaux au travail.
«Nos résultats rappellent que les stresseurs psychosociaux au travail ne sont pas anodins. Ils peuvent avoir des conséquences graves sur la santé du cœur. Environ un cas de maladie coronarienne sur cinq pourrait être évité si ces facteurs étaient mieux prévenus en milieu de travail. Il est essentiel d'outiller les organisations pour repérer, comprendre et réduire ces stresseurs, afin de protéger durablement la santé des travailleuses et des travailleurs», conclut la chercheuse.
L'étude parue dans JACC: Advances est signée par 19 chercheurs, dont 13 sont de l'Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval. Elle est tirée des travaux de doctorat que Mathilde Lavigne-Robichaud a réalisés sous la supervision de Xavier Trudel et de Chantal Brisson.
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