
Ont participé à l'événement le 16 septembre (de gauche à droite): Jonathan Paquin, professeur au Département de science politique et directeur de l’École supérieure d’études internationales, Eugénie Brouillet, vice-rectrice à la recherche, à la création et à l'innovation, Louise Fréchette, ancienne vice-secrétaire générale des Nations unies, Jean-Frédéric Morin, directeur du Centre interdisciplinaire de recherche sur la gouvernance mondiale et professeur au Département de science politique.
— École supérieure d’études internationales
Le système de l'ONU et son multilatéralisme, une approche de gouvernance mondiale qui privilégie les négociations auxquelles participent de nombreux États, sont de plus en plus critiqués et parfois jugés caducs. C'était la question centrale de la conférence d'inauguration du Centre interdisciplinaire de recherche sur la gouvernance mondiale (CIRGoM), le 16 septembre, à l'auditorium Jean-Paul-Tardif du pavillon La Laurentienne. Louise Fréchette, vice-secrétaire générale des Nations unies de 1998 à 2006, était l'invitée d'honneur de cet événement. Elle s'est entretenue avec Jean-Frédéric Morin, directeur du Centre et professeur au Département de science politique, sur les défis que rencontrent les organisations multilatérales.
Louise Fréchette est revenue d'entrée de jeu sur les avancées réalisées par l'organisation, même au plus fort de la Guerre froide, avec la négociation de traités, la mise en place du processus de décolonisation ou encore la coordination d'initiatives humanitaires. Deux réussites majeures ont été soulignées: l'éradication de la variole, en 1980, et la reconstitution progressive de la couche d'ozone grâce au protocole de Montréal, en 1987. «Il faut garder les bonnes pratiques de ces succès pour concilier des politiques futures», a-t-elle déclaré, appelant à sauvegarder la recherche d'intérêts communs pour poursuivre une coopération internationale efficace.
— Louise Fréchette, conférencière et vice-secrétaire générale des Nations unies de 1998 à 2006
Pourtant, le contexte actuel diffère profondément de celui de 1945. La montée en puissance de la Chine, l'affirmation des pays du Sud global et le désengagement progressif des États-Unis sous le gouvernement Trump actuel représentent des bouleversements majeurs. Comme le mentionne Louise Fréchette, «si certains États se détournent des cadres multilatéraux, c'est la loi du plus fort qui risque de s'imposer». Elle insiste également sur la nécessité de traiter les pays du Sud en véritables partenaires et égaux afin de protéger le multilatéralisme. Selon elle, il est également important d'arriver à un consensus entre les intérêts nationaux des États et celui de l'ordre mondial.
Réformer l'institution?
Interrogée sur les réformes du Conseil de sécurité, l'ancienne diplomate canadienne fait preuve de réalisme. Selon elle, une expansion du nombre de membres rendrait l'organe plus légitime, mais pas forcément plus efficace pour autant. «La structure compte moins que la volonté des États de s'entendre», a-t-elle tranché. Elle a également soulevé la question des puissances moyennes qui refusent de voir leur voisin devenir membre du Conseil de sécurité sans eux: c'est le cas du Pakistan face à l'Inde ou de l'Argentine face au Brésil, par exemple.
Enfin, Louise Fréchette a insisté sur l'importance du travail de terrain mené par les agences onusiennes et les ONG partenaires. Malgré les crises budgétaires et les blocages politiques au siège de New York, l'ONU reste indispensable dans le domaine humanitaire et dans celui du développement. «Il n'y a pas d'alternative crédible à l'aide humanitaire», a-t-elle rappelé, tout en mettant en garde contre les conséquences de coupes budgétaires.
Faire la place aux nouvelles générations
Au terme de la conférence, un message clair s'est dégagé: la gouvernance mondiale ne peut se réduire à un jeu institutionnel figé. Elle repose sur la capacité des États, mais aussi de la société civile, des chercheurs et des chercheuses, à identifier des intérêts communs et à maintenir le dialogue. Comme l'a résumé Louise Fréchette, «faire des progrès partiels vaut mieux que de rester immobile.»
Louise Fréchette a livré un témoignage précieux sur son expérience au sommet de l'ONU. Son discours a fait écho àcelui du très honorable Brian Mulroney, ancien premier ministre du Canada, qui avait déclaré, quelques années plus tôt, son rêve de voir des étudiantes et étudiants de l'Université Laval occuper des postes de premier plan au sein des Nations unies.
Première d'une série de conférences organisées par le CIRGoM, l'événement a rassemblé plus de 100 personnes incluant des membres du corps professoral et des membres étudiants de 10 départements et facultés de l'Université Laval, des membres du ministère des Relations internationales du Québec, le député de Jean-Talon Pascal Paradis et des membres du Conseil international du Canada. L'événement a été lancé par Eugénie Brouillet, vice-rectrice à la recherche, à la création et à l'innovation de l'Université Laval. Son allocution d'ouverture a souligné l'importance des questions auxquelles le CIRGoM s'intéresse et de son approche interdisciplinaire de la recherche sur les enjeux mondiaux.
Jean-Frédéric Morin a rappelé la mission du centre: offrir aux étudiantes et étudiants un lieu de réflexion commune sur les grands enjeux mondiaux. «Informer et sensibiliser les décideurs ne suffit plus, il faut réfléchir à de nouveaux modes de coopération internationale», a-t-il affirmé. Le CIRGOM compte déjà 19 professeures et professeurs membres réguliers, 32 membres associés et plus d'une centaine d'étudiantes et d'étudiants issus de diverses facultés engagés dans une réflexion interdisciplinaire.

























