
Les sachets de nicotine sont de petites pochettes que l'on place entre la gencive et la joue pour libérer la nicotine et les saveurs qu'ils contiennent. En général, chaque sachet contient une quantité de nicotine équivalant à celle de 2 à 4 cigarettes.
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Les sachets de nicotine semblent gagner en popularité chez les jeunes du Québec. En effet, chez les 11 à 17 ans, la fréquence d'utilisation de ce produit serait maintenant comparable à celle de la cigarette, rapporte une équipe de recherche de l'Université Laval et de l'Université de Waterloo dans une étude publiée par le Canadian Journal of Public Health.
«Si on laisse aller les choses, les sachets de nicotine pourraient suivre la même trajectoire que la cigarette électronique chez les jeunes», craint l'un des signataires de l'étude, le pédiatre Richard E. Bélanger, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et l'un des chercheurs principaux du projet COMPASS hébergé à VITAM - Centre de recherche en santé durable.
Les sachets de nicotine sont de petites pochettes que l'on place entre la gencive et la joue pour libérer la nicotine et les saveurs qu'ils contiennent. Au Canada, ces sachets ont été homologués en 2023 comme produits d'aide à la cessation du tabagisme. «Un marché illicite était déjà bien actif depuis plusieurs années au Canada», précise toutefois le professeur Bélanger.
«Chaque sachet contient entre 2 et 4 mg de nicotine alors qu'une cigarette en contient 1 mg. Les sachets vendus sur le marché illégal peuvent en renfermer jusqu'à 50 mg. Ça fait beaucoup de nicotine libérée dans le corps en peu de temps», souligne le professeur Bélanger.
La nicotine est un stimulant qui accélère le rythme cardiaque et la pression sanguine. Prise en grande quantité, elle peut causer des problèmes cardiaques et affecter le développement du cerveau pendant la gestation et l'adolescence. Elle active le circuit de la récompense et provoque la libération de dopamine, d'où la dépendance qu'elle entraîne. «La nicotine est l'une des substances les plus addictogènes qui soient», précise Richard E. Bélanger.
L'équipe de recherche dont fait partie le professeur Bélanger a utilisé des données récoltées en 2024 dans le cadre du projet COMPASS pour dresser le portrait de l'utilisation des produits contenant de la nicotine chez les jeunes du Québec. Les réponses fournies par un peu plus de 11 000 élèves fréquentant 33 écoles du Québec ont servi aux analyses.
Environ 2,6% des jeunes avaient fait usage de sachets de nicotine dans le mois précédant l'enquête. C'est presque autant que la cigarette (3,0%), mais nettement moins que la cigarette électronique (13,0%).
Chez les jeunes qui font usage de sachets de nicotine, 28% fument aussi la cigarette et 72% vapotent. «Les sachets de nicotine les exposent donc à une source additionnelle de nicotine, souligne le professeur Bélanger. Contrairement au tabac et à la cigarette électronique, les sachets de nicotine ne libèrent pas de fumée ni d'aérosols. Les jeunes nous rapportent les utiliser partout sans contrainte.»
L'utilisation des sachets de nicotine augmente avec l'âge, a constaté l'équipe de recherche. Les jeunes de secondaire 5 sont trois fois plus à risque d'en utiliser que les jeunes du secondaire 1 à 3.
Une méconnaissance des risques
L'enquête révèle une certaine méconnaissance des risques associés aux sachets de nicotine. Ainsi, 23% des jeunes disent ignorer si ces sachets posent des risques pour la santé et 16% disent ignorer si ces sachets sont addictifs. Plus les sachets de nicotine sont jugés sans risques, plus la probabilité d'en faire usage est élevée.
En 2024, Santé Canada a resserré les règles encadrant la promotion et la vente des sachets de nicotine. En théorie, seules les pharmacies sont autorisées à en vendre, mais il est toujours possible de se procurer illicitement des sachets de nicotine contenant des saveurs très attrayantes pour les jeunes, souligne le professeur Bélanger.
Il y a un parallèle intéressant à faire entre les sachets de nicotine et la cigarette électronique, poursuit-il. Les deux produits ont été introduits comme des moyens pour cesser de fumer, ils sont souvent présentés comme des solutions de remplacement moins nocives que la cigarette et ils ont été adoptés à des fins récréatives par les jeunes.
«Il n'y a aucune bonne raison de laisser des ados qui n'ont jamais fumé utiliser des sachets de nicotine, insiste le professeur Bélanger. Ce produit crée un pool de personnes dépendantes à la nicotine qui risquent ensuite de se tourner vers la cigarette électronique ou le tabac.»
Pour faire face à ce problème émergent, le pédiatre propose une approche intégrée qui inclut un resserrement législatif, mais qui ne s'y limite pas. «Il faudrait aussi mettre en œuvre des campagnes d'information ciblées afin de sensibiliser les jeunes aux risques liés à l'usage de ce produit. Ensemble, ces mesures pourraient contribuer à freiner la popularité ascendante des sachets de nicotine chez les jeunes.»
Le co-auteur principal de l'étude parue dans le Canadian Journal of Public Health est Mikael Piché-Ayotte, étudiant en médecine à l'Université Laval. Les autres signataires sont Slim Haddad, Anne-Marie Turcotte-Tremblay et Richard E. Bélanger, de l'Université Laval, et Katelyn Battista et Scott Leatherdale, de l'Université de Waterloo. L'étude a été réalisée dans le cadre du projet COMPASS.