
À mesure que le cancer progresse, la matrice extracellulaire devient de plus en plus rigide. Cela favorise la prolifération des cellules cancéreuses, les rend plus résistantes aux traitements et facilite la formation de métastases. Il est donc primordial d'en tenir compte dans les modèles de cancer.
— Illustration Maude Royer
Le Centre de recherche sur le cancer de l'Université Laval a organisé en 2025 son 3e concours de vulgarisation scientifique. ULaval nouvelles vous présente le fruit du travail d’une des deux lauréates, Laurence Carignan, étudiante à la maîtrise en biologie cellulaire et moléculaire dans le laboratoire du professeur François Bordeleau et du Dr Stéphane Bolduc.
En laboratoire, certains traitements expérimentaux contre le cancer sont prometteurs et brillent comme des étoiles naissantes. Offerts à certains patients dans le cadre d'un essai clinique, ils représentent un dernier espoir face à des cancers hautement résistants. Mais dans plus de la moitié des cas, cette lumière s'éteint brutalement: le traitement est inefficace.
Pour comprendre pourquoi tant de traitements échouent, il faut revenir à la façon dont ils sont testés en laboratoire. Avant d'être essayés sur des patients, ou même des animaux, les traitements contre le cancer sont d'abord testés sur des cellules cancéreuses cultivées en laboratoire. Ces modèles cellulaires sont très utiles, mais ils ne reproduisent pas toute la complexité d'une tumeur et de son environnement.
Dans le corps, les cellules ne sont pas seules. Elles sont entourées d'une substance appelée matrice extracellulaire, qu'on peut comparer au ciment reliant les briques d'un mur. Les cellules interagissent constamment avec la matrice et ces échanges influencent directement leur comportement. Or, dans les modèles cellulaires actuels, cette matrice est souvent absente ou différente des tumeurs humaines. C'est comme vouloir évaluer la solidité d'un mur de briques sans ciment ou en le remplaçant par du silicone.
À mesure que le cancer progresse, la matrice extracellulaire devient de plus en plus rigide. Cette rigidification favorise la prolifération des cellules cancéreuses, les rend plus résistantes aux traitements et facilite la formation de métastases: lorsque des cellules quittent la tumeur pour envahir d'autres parties du corps. Il est donc primordial d'en tenir compte dans les modèles de cancer. Cette augmentation de rigidité est principalement causée par les fibroblastes, les cellules chargées de produire la matrice. Sous l'effet des cellules cancéreuses, les fibroblastes sains deviennent activés: ils changent de comportement et se mettent à produire encore plus de matrice, comme un maçon qui ajoute du ciment pour renforcer le mur.
Notre équipe a mis au point un modèle 3D du cancer de la vessie à partir de cellules humaines prélevées lors de biopsies. En exposant ce modèle aux molécules provenant de cellules cancéreuses cultivées séparément, nous pouvons activer les fibroblastes et produire une matrice rigide, semblable à celle des tumeurs humaines.
Cependant, les cellules cancéreuses peuvent communiquer avec les fibroblastes de plusieurs façons. Elles peuvent sécréter de petites protéines solubles, comme si elles envoyaient des textos. Ces messages sont rapides et peuvent voyager loin dans le corps. Elles peuvent aussi utiliser d'autres moyens tels que les vésicules extracellulaires. Ce sont des bulles que les cellules fabriquent pour transporter du matériel, comme si elles envoyaient un colis par la poste.
Mon projet vise à comprendre comment les différents messages envoyés par les cellules cancéreuses influencent l'activation des fibroblastes. Par exemple, est-ce que les vésicules extracellulaires, ces petits colis biologiques, incitent les fibroblastes à produire plus de matrice que les protéines solubles? Répondre à cette question me permettra de produire des tissus dont la rigidité reflète les différents stades de la maladie, améliorant ainsi notre modèle du cancer de vessie.
En recréant en laboratoire un environnement plus proche de celui d'une tumeur humaine, ce modèle permettra de mieux évaluer l'efficacité des traitements contre le cancer, ouvrant la voie à de meilleurs traitements.

























