
La professeure Cremona veut rapprocher le domaine de la statistique et celui de l'informatique pour faire parler les données complexes en sciences biomédicales et en sciences sociales.
— Université Laval - Yan Doublet
Le moins que l'on puisse dire est que les intérêts de recherche de la professeure Marzia Angela Cremona sont variés. Qu'on en juge par ce court échantillon: analyse des modèles de circulation sur les autoroutes de Taïwan, prédiction du taux de glucose sanguin chez les personnes atteintes de diabète de type 1 pendant l'exercice, effet de la COVID-19 sur la structure des taux d'intérêt au Canada, quantification de la relation entre l'augmentation du trafic maritime et la pollution de l'air dans l'Arctique.
Comment expliquer cet étonnant éventail? «J'aime beaucoup travailler sur des sujets variés avec des scientifiques de différents horizons qui ont des perspectives et des compétences complémentaires aux miennes», répond la professeure de statistique au Département d'opérations et systèmes de décision de l'Université Laval.
Cette mathématicienne spécialiste de l'apprentissage statistique, de la statistique appliquée et de la bio-informatique aura la chance de multiplier ce type de collaborations au cours des 5 prochaines années dans le cadre des travaux qu'elle mènera à la Chaire de recherche en apprentissage statistique, une chaire en intelligence artificielle dotée d'un budget de 500 000$ que vient de lui octroyer IVADO avec le soutien financier des Fonds de recherche du Québec.
IVADO, un consortium interdisciplinaire et intersectoriel de recherche, de formation et de mobilisation des connaissances, qui regroupe l'Université de Montréal, Polytechnique Montréal, HEC Montréal, l'Université Laval et l'Université McGill, a annoncé aujourd'hui la création de six chaires en intelligence artificielle au Québec.
Faire parler les données complexes
Originaire de Pieranica, une commune italienne située à une trentaine de kilomètres de Milan, dans une famille où personne n'avait d'intérêt particulier pour les sciences, Marzia Angela Cremona s'est découvert dès le primaire un talent en mathématiques. «J'avais de la facilité avec les chiffres. Au secondaire, j'ai commencé à m'intéresser aux maths pures. J'aimais le fait que l'on puisse, à partir d'hypothèses, faire des démonstrations conduisant à des réponses claires, sans ambiguïté», se souvient-elle.
Après un baccalauréat et une maîtrise en mathématiques à l'Université de Milan, la jeune mathématicienne se lance sur le marché du travail, mais son emploi dans une entreprise d'énergie ne la satisfait pas. Elle s'inscrit donc au doctorat à l'École polytechnique de Milan en modèles et méthodes mathématiques pour l'ingénierie.
«C'est à ce moment que j'ai commencé à m'intéresser aux statistiques, poursuit-elle. J'ai aussi découvert que j'étais davantage attirée par les maths appliquées que par les maths pures. Cela me permet de travailler en équipe sur des problèmes concrets et nos travaux ont des retombées dans le monde réel.»
Après avoir passé quatre ans à la Pennsylvania State University, Marzia Angela Cremona accepte un poste à l'Université Laval en 2019. Ses rattachements au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, à l'Institut intelligence et données et au Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport témoignent de ses intérêts variés et de sa polyvalence en recherche.
«Tous les projets auxquels je participe ont un dénominateur commun, souligne-t-elle. Ils ont des besoins particuliers en analyse de données. L'évolution des technologies permet maintenant de recueillir des quantités énormes de données. Grâce à l'augmentation de la puissance de calcul, on peut en faire le traitement et l'intégration, mais leur analyse efficace et robuste crée encore un goulot d'étranglement pour l'avancement des connaissances. Les travaux que nous mèneront à la Chaire visent à combiner les statistiques, l'informatique et les connaissances propres au domaine d'où proviennent les données pour s'attaquer à ce goulot d'étranglement.»
Il n'est pas toujours facile pour les scientifiques de différents domaines de communiquer efficacement, reconnaît-elle. «Je l'ai réalisé très rapidement lorsque j'ai commencé en recherche. Au fil du temps, mes diverses collaborations m'ont permis de développer ma capacité à m'adapter à de nouveaux défis, à comprendre ce que mes collègues cherchent et à leur présenter le résultat des analyses dans un langage accessible.»
Ces compétences seront essentielles à l'atteinte des objectifs qu'elle s'est donnés à titre de titulaire de la Chaire de recherche en apprentissage statistique. «Dans cinq ans, j'espère avoir réussi à rapprocher le domaine de la statistique et celui de l'informatique pour faire parler les données complexes en sciences biomédicales et en sciences sociales.»