11 août 2025
Une base de données pour mieux combattre les champignons résistants
Une équipe menée par une doctorante de l'Université Laval lance FungAMR, un répertoire de mutations génétiques qui aidera à mieux comprendre et contrer la résistance aux antifongiques

Camille Bédard, doctorante en biologie, a coordonné la création de FungAMR.
— Université Laval, Yan Doublet
«On pensait que le travail allait nous prendre quelques jours, mais ça a pris un an!», raconte Camille Bédard, doctorante à la Faculté des sciences et de génie. Elle a coordonné la création de FungAMR, une base de données novatrice qui recense les mutations génétiques rendant certains champignons résistants aux médicaments antifongiques. Ce projet d'envergure, publié dans la revue Nature Microbiology, est déjà salué par la communauté scientifique.
Un outil sans précédent pour la recherche
FungAMR regroupe près de 36 000 données issues de plus de 500 articles scientifiques. Ce travail couvre 208 antifongiques, 246 gènes et 95 espèces de champignons. «Il n'existait pas de base de données aussi complète», souligne Camille Bédard. Ce répertoire deviendra un outil incontournable pour les équipes de recherche à travers le monde.
L'un des atouts majeurs de FungAMR est l'attribution d'un score de confiance pour chaque mutation selon le degré de preuves scientifiques. «Une variation génétique recréée en laboratoire obtient un score plus élevé qu'une résistance simplement observée, sans validation expérimentale», précise la doctorante. Ce système permet aux scientifiques de prioriser les mutations à explorer et d'éviter de réétudier des variations reconnues comme étant inoffensives.
La vue d'ensemble qu'offre la base de données révèle également des phénomènes inquiétants, comme la résistance croisée, c'est-à-dire le fait qu'une mutation confère une résistance à plusieurs classes d'antifongiques. «C'est surtout le cas pour les traitements utilisés en clinique puisqu'ils ciblent souvent les mêmes parties de la cellule. Ça complique le choix des traitements de rechange», souligne Camille Bédard.
Cette revue de littérature montre aussi l'importance de diversifier les recherches. «La majorité des études portaient sur les cinq mêmes champignons. En se concentrant sur quelques espèces, on limite notre compréhension de l'ensemble des mécanismes de résistance», prévient la doctorante. Elle a d'ailleurs été surprise de voir qu'une même mutation apparaissait dans presque toutes les espèces répertoriées. «Elle semble universelle. Ça soulève des questions sur les mécanismes évolutifs en jeu.»
D'autres mécanismes de résistance communs chez plusieurs champignons, que ce soit des pathogènes humains ou végétaux, nécessitent une approche intégrée entre le milieu clinique et celui agricole. «FungAMR fait le pont entre les deux domaines, car une mutation trouvée chez un patient peut se retrouver en agriculture, et vice versa. Ça permet ensuite de choisir le meilleur antifongique», explique Camille Bédard.

La levure non pathogène Saccharomyces cerevisiae est utilisée comme modèle en laboratoire pour étudier la résistance. Elle fait partie des cinq espèces les plus étudiées dans la base de données.
— Université Laval, Yan Doublet
Une collaboration scientifique d'envergure
Le projet de recherche a mobilisé une trentaine de personnes, dont une vingtaine d'étudiantes et étudiants issus du réseau canadien EvoFunPath. La revue de la littérature a été un véritable défi. «Les mutations ne sont pas toujours rapportées de manière uniforme et le nom des protéines mutées varie selon les espèces.»
Pour surmonter ces obstacles, l'équipe a comparé les mutations entre les espèces. Elle a observé comment les variations génétiques se traduisaient dans la fabrication des protéines ciblées par les antifongiques. «Quand on regarde la séquence de molécules, elle n'est pas exactement pareille entre chaque champignon, mais en trois dimensions, on voit que c'est la même mutation au même endroit dans la protéine», explique Camille Bédard.
FungAMR est hébergée sur le site CARD de l'Université McMaster et est accessible gratuitement. Elle est accompagnée d'un outil bio-informatique, ChroQueTas, développé par des collègues en Espagne, qui permet d'analyser le génome d'un champignon et de repérer rapidement les mutations connues. Camille Bédard a hâte de voir FungAMR entre les mains de la communauté scientifique pour accélérer les découvertes et améliorer les traitements.
Les signataires de l'étude affiliés à l'Université Laval sont Camille Bédard, Alicia Pageau, Anna Fijarczyk, Philippe Després, Romain Durand, Samuel Plante, Emilie Margaret Marie Alexander, François Rouleau, David Jordan, Adarsh Jay, Mathieu Giguère, Mégane Bernier, Isabelle Gagnon-Arsenault et Christian Landry.