Le projet de deux musicologues, Sophie Stévance et Serge Lacasse, se taille un joli succès sur Instagram et YouTube. Cela, c'est sans parler de Facebook, où ils disposent déjà de près de 40 000 abonnés un mois seulement après la mise en ligne initiale de leur page. Les musiques créées par le professeur de la Faculté de musique collent comme une seconde peau aux mouvements qu’enchaîne sa collègue musicologue. Des mouvements musculaires à forte intensité qui stimulent et font bouger le corps pendant 20 minutes.
Altiste, chanteuse et athlète accomplie, Sophie Stévance a longtemps éprouvé une grande frustration musicale chaque fois qu'elle effectuait son entraînement HIIT (pour High Intensity Interval Training). En effet, le HIIT s’accompagne presque toujours de musiques saturées, au tempo rapide, souvent agrémenté de la voix hystérique d’un entraîneur poussant chacun à se dépasser. Un véritable tue-performance pour quelqu’un dont la musique anime chaque fibre de son corps. «Il faut bien comprendre que les chansons de Katy Perry, de Bruno Mars et de bien d’autres utilisées dans ces entraînements durent autour de 2’30 min, souligne la professeure à la Faculté de musique. Or, il n’existe pas de musique sur le marché adaptée au découpage de l’entraînement HIIT en séquences de 20 secondes de mouvements, suivi de 10 secondes de récupération.»
Lassée d’entendre des voix ou des séquences musicales compressées, hachées, ponctuées toutes les 20 ou 10 secondes d’une alarme pour passer à un autre enchaînement, Sophie Stévance a pris les choses en main. La titulaire de la Chaire de recherche du Canada en recherche-création en musique a sollicité son collègue compositeur Serge Lacasse, lui aussi un athlète. Le rôle joué par la musique dans son entraînement de tir à l’arc intéressait au plus haut point ce champion canadien en 2018. «Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas toujours nécessaire de monter le volume ou de choisir les musiques les plus rapides pour s’entraîner, fait valoir le directeur du Laboratoire audionumérique de recherche et de création. La musique sert aussi à se mettre dans un certain état d’esprit pour oublier le stress et éviter de trop se concentrer sur son souffle.»
Bien décidés à disposer de séquences musicales en adéquation avec des entraînements intensifs, Serge Lacasse et Sophie Stévance se sont lancés. Elle, sur son tapis d’exercice, enchaînant les squats, les fentes avant et arrière, les push-ups, et lui derrière sa console. Leur but: imaginer des séquences musicales de 20 et 10 secondes les mieux adaptées à la progression d’une séance d’exercice de 20 minutes. «Tous les styles musicaux peuvent convenir, fait remarquer la musicologue, qu’il s’agisse de style latino, de pop, de reggae, de rock ou de dubstep. L’essentiel, c’est de trouver une musique qui permet d’entrer dans le flow, autrement dit de se connecter totalement au corps.» Une philosophie en adéquation, selon Sophie Stévance, avec la réalité des musiciens, dont le corps a une réelle importance pour la pratique de leur instrument. Il suffit de penser à l'effort physique que représente la pratique d’un trompettiste ou d'un violoniste.
Après plusieurs semaines d’essais, les deux musicologues ont produit plusieurs séries musicales, baptisées Hits for HIIT. Le succès remporté par leur production sur les réseaux sociaux les surprend, mais les conforte aussi dans leur idée initiale. Manifestement, les sportifs ont besoin de musiques en adéquation avec leur état d’esprit et de corps pour avoir un plus grand plaisir à s’entraîner. Serge Lacasse et Sophie Stévance aimeraient maintenant pousser leurs recherches un pas plus loin. Prochain objectif: demander aux sportifs inscrits au PEPS quelles musiques les motivent et leur font du bien durant leur entraînement. Des informations précieuses pour produire dans l’avenir une musique incitant les gens à bouger!