Précaires, les installations de Pascale LeBlanc Lavigne donnent l’impression qu’elles pourraient s’autodétruire à tout moment. Ayant un faible pour les matériaux récupérés et industriels, l’artiste crée des sculptures cinétiques et sonores alimentées par des mécanismes motorisés, des systèmes électroniques ou des batteries.
«Ce qui m’intéresse, c’est le mouvement, explique-t-elle. J’assemble des composantes qui sont souvent des matériaux qui me tombent sous la main ou qui ne sont pas associés à un consensus esthétique évident. J’aime qu’il y ait un écart entre mon idée de départ et le résultat. Ça me permet d’explorer en toute liberté.»
Pascale LeBlanc Lavigne est la nouvelle lauréate du Prix René-Richard (2e cycle). Chaque année depuis plus de 35 ans, l’École d’art de l’Université Laval remet ce prix à une finissante ou un finissant en arts visuels pour souligner l’excellence de sa démarche en recherche-création. «Quand j’ai reçu le courriel m’informant que ma candidature était retenue par le jury, j’ai lâché un cri de joie. J’ai encore un peu mal à la gorge», dit-elle en riant.
Cette récompense marque l’aboutissement de quatre années de travail pour l’artiste. «J’ai pris mon temps pour faire ma maîtrise, admet-elle. À l’École d’art, les étudiants ont accès à des ateliers absolument incroyables. Les deux premières années, j’en ai profité pour faire de la création. Après, je me suis lancé dans l’écriture de mon mémoire.»
En commençant ses études en arts visuels, Pascale LeBlanc Lavigne ignorait qu’elle allait faire des œuvres cinétiques. La bougie d’allumage a été une essoreuse à salade, avec laquelle elle souhaitait créer un mouvement. «J’ai toujours aimé cet objet. J’étais dans un cours de sculpture et je cherchais une façon d’animer les lattes du panier à l’intérieur de l’essoreuse, que j’avais modifiées. Au départ, je les faisais bouger avec mes mains, mais je n’aimais pas l’idée de faire une performance et de me mettre en scène devant la classe. C’est mon professeur, David Naylor, qui m’a suggéré d’utiliser des moteurs.»
Avec l’aide d’un technicien, l’étudiante a utilisé une perceuse pour fixer une pièce de métal lui permettant de faire bouger l’objet. Voilà, sans trop le savoir, elle venait de réaliser sa première sculpture cinétique. Le caractère instable et changeant de l’œuvre, l’imprévisibilité du mouvement, le bruit des moteurs: elle découvrait là un univers offrant moult possibilités créatives.
Depuis ce projet d’essoreuse à salade réinventée, l’artiste s’est amusée à détourner plusieurs autres objets du quotidien. Ses œuvres à la fois étranges et attirantes ont été présentées au festival Technomancie, en France, au LAB30, en Allemagne, et au festival d’art sonore Tsonami, au Chili. Elles ont aussi fait l’objet d’expositions individuelles et collectives, notamment au Mois Multi, à Avatar, à Circa, à Espace F et à Perte de Signal.
Parmi ses projets marquants, Les traces laissées sur le sable rassemble trois sculptures qui se déplacent aléatoirement sur la plage. Chacune est dotée de moteurs qui animent une tige de métal tordue leur permettant de ramper. Ce projet a été réalisé au Chili dans le cadre d’une résidence de création. L’artiste s’était inspirée de crabes coincés sur un rocher pour reproduire en quelque sorte leurs formes et leurs mouvements saccadés.
Autre projet digne de mention, Indéterminé est une installation composée de machines qui se déplacent et tournoient dans l’espace. Chacune est munie d’un micro et d’un haut-parleur qui permettent de capter et de diffuser les sons, ce qui engendre un effet de rétroaction. Ainsi, le son de l’installation dépend du positionnement des machines. Le tout est contrôlé par divers systèmes de programmation.
Pascale LeBlanc Lavigne ne manque pas de projets pour la suite. En temps normal, elle aurait été en Argentine pour une résidence d’artiste, mais la pandémie en a décidé autrement. La bourse de 4000$ qui accompagne le Prix René-Richard lui permettra de retomber sur ses pieds. «Pour l’instant, j’ignore si la résidence aura lieu. Si ce n’est pas possible, j’aimerais réaliser ici le projet que j’avais en tête, du moins l’entamer avec une version québécoise. À cause de la COVID-19, j’ai cinq expositions annulées ou reportées. La bourse me permet de rester active et de continuer à produire malgré tout.»
Passer le flambeau à la relève
En plus de sa pratique artistique, Pascale LeBlanc Lavigne est chargée de projets chez Avatar. Depuis quelques mois, elle accompagne des artistes en début de carrière dans leur rêve de percer. «Je trouve cela stimulant d’être témoin de leur éveil artistique et de leur professionnalisation. Chez Avatar, nous sommes très généreux dans le partage de nos expériences et de nos connaissances. Je peux les aider pour des choses concrètes, notamment les demandes de bourses», dit celle qui aimerait se consacrer à l’enseignement des arts au cégep.