L'événement était organisé par la Ville de Québec et l'Université Laval, en collaboration avec le MNBAQ. Quatre professeurs et un chargé de cours de l'Université ont participé au colloque, soit Geneviève Cloutier et Julie Faubert comme animatrices, et Pascale Bédard, Érick Rivard et Patrick Turmel comme panélistes.
L'architecte et designer urbain Érick Rivard est chargé de cours à l'École d'architecture. Il a participé à l'atelier consacré à la Politique d'intégration des arts à l'architecture et à l'environnement des bâtiments et sites gouvernementaux et publics. Communément appelée «la politique du 1%», celle-ci a vu le jour en 1961. Elle consiste, pour le ministère de la Culture et des Communications, à solliciter des artistes professionnels dans la conception d'œuvres d'art qui s'harmoniseront avec de nouveaux bâtiments publics. Plus de 3 700 œuvres ont ainsi vu le jour sur le territoire québécois.
«Dans une de mes interventions, explique Érick Rivard, j'ai parlé d'intégration. Il ne s'agit pas de créer un bâtiment sur lequel on va superposer une œuvre d'art, mais plutôt de concevoir un système qui permet à toutes les parties de tendre à un dialogue, une compréhension mutuelle. Pour cela, il faut beaucoup d'humilité de part et d'autre.»
Selon lui, il est fréquent de voir l'artiste arriver très tard dans le processus de conception d'un bâtiment. «Sa situation s'avère difficile, dit-il, lorsque des décisions constructives ont été prises.»
Parmi les enjeux actuels, la question de l'accompagnement de l'artiste a été la plus soulevée par les panélistes. «Bien souvent, indique Érick Rivard, l'artiste est laissé à lui-même face à l'entrepreneur. Il se sent abandonné parce qu'il travaille en périphérie du chantier. Il doit faire face, entre autres, à des contraintes structurales et à des délais serrés d'installation de son œuvre.»
La politique du 1% a permis de diffuser l'art contemporain partout sur le territoire québécois. Même dans un lieu incongru comme l'Établissement de détention de Sept-Îles, ou bien dans un endroit inhabituel comme le palais de justice de Montmagny. «On ne s'attend pas à trouver l'art dans un établissement carcéral, soutient-il. L'œuvre habite la cour intérieure où se réunissent les détenus. Elle participe à toute l'architecture du lieu. Dans le second cas, la sculpture de Jean-Pierre Bourgault intitulée Le Soleil occupe la partie extérieure avant du bâtiment. On perçoit un palais de justice comme un lieu austère, refermé sur lui-même. Or, l'œuvre monumentale habite le parvis et signale que le lieu appartient à la population.»
Le colloque a permis des échanges sur la multiplication des initiatives d'animation temporaire de lieux publics, sur l'exploration et la transformation de la ville par les pratiques nomades. Les participants ont aussi été invités à voir en quoi et comment les balises de l'espace public, comme les codes et les règlements, en viennent à influencer la création.
Consensuelle ou avant-gardiste, quelle forme d'art est la plus appropriée pour l'espace public? Selon la professeure Pascale Bédard, du Département de sociologie, cet enjeu est majeur dans la discussion publique autour de l'art. «En sortant l'œuvre d'art de la galerie ou du musée, affirme-t-elle, il y a une prise de risque pour l'artiste qui va à la rencontre du public. Les gens peuvent se trouver surpris et déstabilisés par une œuvre avant-gardiste. Cela dit, beaucoup apprécient être interpellés par une œuvre moderne. L'art dans l'espace public démontre la présence des artistes dans la vie de la cité.»
La saga de Dialogue avec l'histoire, la sculpture contemporaine de Jean-Pierre Raynaud, installée dans le Vieux-Québec puis retirée en 2015, illustre ce propos. «Ce qui est arrivé à cette œuvre montre la difficulté relationnelle qui survient lorsque l'espace public est en jeu, poursuit la professeure. Si la sculpture avait été installée dans la cour du MNBAQ, personne n'aurait rien dit. Le discours populaire de contestation affirmait que ce n'était pas de l'art. Cette attitude de rejet s'observe à travers le monde à l'égard des avancées esthétiques de l'art contemporain. La rencontre de l'œuvre avec le public ne s'est pas passée à cause d'une méconnaissance de l'art actuel. Décider de détruire l'œuvre fut un choix très contestable. Une autre approche aurait pu être la médiation culturelle.»
Patrick Turmel est professeur à la Faculté de philosophie. Il est aussi président du conseil d'administration de Manif d'art – La biennale de Québec. Cet organisme, l'un des plus importants du genre au Canada, a pour mission de favoriser la création d'œuvres d'art non pérennes de différentes natures: sculptures temporaires, dispositifs sonores, photographies et autres. Selon lui, une œuvre d'art dans l'espace public ne sert pas qu'à embellir, elle sert aussi à créer des occasions de rencontres entre l'œuvre et le citoyen, à ouvrir ce dernier à différentes visions du monde.
«Il n'y aurait pas beaucoup d'intérêt dans l'art public si on cherchait à retrouver un art du consensus qui nous renvoie ce que nous voulons voir, explique le professeur Turmel. Le travail de l'artiste consiste à tenter de nous faire voir autrement la réalité.»
L'an dernier, dans le Vieux-Québec, Patrick Turmel a parcouru les Passages insolites, un événement d'art public regroupant plus d'une dizaine d'artistes et de collectifs en architecture.
«Une voiture était stationnée et défoncée par une espèce de satellite sur le capot, raconte-t-il. Un peu plus tard, dans un café voisin, j'ai entendu des gens qui commentaient cette installation. Il y avait consensus. Ils se demandaient ce qu'était “cette horreur”. Ce n'étaient pas des experts en art. La discussion a duré une bonne demi-heure. Ils ont fini par nuancer leur jugement sur l'œuvre et sur l'art.»
- Consultez le répertoire de l'art public du campus de l'Université Laval.
Cette œuvre occupe l'espace public situé devant la nouvelle entrée du palais de justice de Montmagny. Elle représente un jeu de ficelles entrelacées inspiré de la culture inuite et symbolise l'intemporalité, le durable, l'infini. Elle a été réalisée dans le cadre de «la politique du 1%».
Photo : John E. Deacon / courthouses.co