Chantal Parent est de ces artistes qui ne chôment pas malgré la pandémie. Avec Vox Nobilis, un duo à géométrie variable qu’elle a créé avec la contralto Marie-Hélène Couture, elle travaille sur plusieurs projets de spectacles virtuels et concerts extérieurs. Membre du conseil d’administration de l’organisme Tempêtes et Passions, elle prépare la programmation de la prochaine saison à laquelle elle participera comme artiste invitée.
En avril, la soprano offrira une prestation au Gala de la vie étudiante de l’Université Laval. En plus de la scène, elle consacre du temps à l’enseignement avec des cours de chant et de violon. Une compilation d’artistes de la relève est aussi dans les cartons. À cela s’ajoute un ambitieux projet de formation et de diffusion visant à créer des ponts entre des artistes du Canada et du Congo.
Non, la crise sanitaire n’a pas eu raison de la passion de Chantal Parent. Il n’empêche que, comme bien des collègues en arts de la scène, plusieurs de ses projets ont été annulés ou reportés. «Avec la pandémie, j’ai perdu des possibilités de développement de carrière. En mai, je devais faire mes débuts avec l’Orchestre symphonique de Québec dans L’enfant et les sortilèges de Ravel. Avec l’Atelier d’opéra de l’Université Laval, nous avons eu le temps de faire une seule représentation des Dialogues des carmélites et la captation vidéo, prévue le lendemain, a été annulée. Fin 2019, j’avais reçu une bourse pour faire des auditions en Europe. Ça s’est bien passé, mais la crise a complexifié mon projet de mousser ma candidature là-bas», énumère-t-elle.
Chantal Parent compte à son actif plus d’une trentaine de rôles dans des opéras, des oratorios et des œuvres symphoniques. Elle a joué notamment Micaëla et Frasquita dans Carmen à l’Opéra national de Plovdiv et au Festival de Vratza, en Bulgarie, et le rôle-titre de Norma avec l’Opéra de Rimouski. On a aussi pu la voir au Festival d’été de Rivergaro, en Italie, et sur plusieurs scènes du Québec.
En 2019, sa performance dans La voix humaine de Poulenc lui a valu une critique élogieuse de la revue L’Opéra, référence en art lyrique. «L’artiste possède une voix et un timbre magnifiques, une diction irréprochable, une grande intelligence du texte et une technique vocale accomplie lui permettant de maîtriser les aigus, la tessiture et toutes les difficultés de la partition. Au niveau scénique, elle s’investit totalement dans le rôle et son magnétisme émeut, bouleverse et transporte», peut-on lire à son sujet.
La violoniste devenue soprano
C’est d’abord par le violon que Chantal Parent a fait son entrée dans le monde musical. La décision de se tourner vers l’opéra est venue par la suite. «J’ai choisi de me consacrer au chant à l’âge où d’autres chanteurs débutent leur carrière, lance-t-elle en riant. Très jeune, cependant, j’ai touché aux arts de la scène. Vers l’âge de 7 ans, je faisais partie de troupes de comédies musicales et je suivais des cours de théâtre et de diction. Je chantais, mais pas du chant lyrique. À 25 ans, j’ai commencé mes études dans ce domaine.»
Maîtrise en interprétation de l’Université de Montréal en poche, Chantal Parent fait un doctorat à l’Université Laval sous la direction des professeurs Jean-François Lapointe et André Papillon. Sa thèse porte sur les différences stylistiques entre les versions françaises et italiennes d’opéras de compositeurs italiens du 19e siècle. Afin de percer à Paris, «centre musical du monde» à cette époque, de nombreux compositeurs ont créé d’abord en français avant d’adapter leurs œuvres dans leur langue maternelle. C’est le cas de Rossini (Le siège de Corinthe, Le comte Ory, Guillaume Tell), Donizetti (La favorite) et Verdi (Jérusalem, Don Carlos).
«Je m’intéresse à l’impact de la langue et aux enjeux de l’interprétation dans les rôles de soprano, explique la doctorante. J’étudie les mêmes airs dans les deux versions pour voir de quelles façons la langue influence le phrasé, la prononciation et l’interprétation en général.»
Il va sans dire que cette recherche lui permet de pousser plus loin son approche du chant. «Chez Rossini, par exemple, les chanteurs étaient presque considérés comme des cocompositeurs. Il était bien vu qu’ils proposent des ornements et des variantes. Ce sont là des éléments qui ne sont pas écrits dans une partition. Comme chanteuse, la recherche me permet d’approfondir mes connaissances musicologiques. Je peux ajouter mon grain de sel à mes interprétations tout en respectant les intentions esthétiques et musicales de l’époque.»