
La douleur chronique peut entraîner une diminution importante des capacités physiques. Les personnes qui parviennent à bien vivre avec ces douleurs ont su ajuster leurs attentes et leurs normes de performance à cette nouvelle réalité, que ce soit au travail ou dans leur vie personnelle.
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Nous ne sommes pas égaux face à la douleur chronique. Alors que certains la vivent comme un fléau qui empoisonne chaque minute de leur existence, d'autres arrivent à gérer ce mal et à profiter de la vie. Quel est leur secret? C'est ce qu'ont voulu savoir des chercheuses du Réseau québécois de recherche sur la douleur (RQRD) en menant une enquête auprès de personnes qui considéraient avoir une qualité de vie acceptable malgré la douleur chronique.
Recrutées par l'intermédiaire d'associations actives dans le domaine de la douleur chronique, ces 25 personnes souffraient de ce mal depuis 12 ans en moyenne. «Elles étaient lourdement affectées ou elles l'avaient déjà été. Certaines prenaient beaucoup de médicaments et d'autres étaient en attente de chirurgie», souligne la responsable de l'étude, Mélanie Bérubé, professeure à la Faculté des sciences infirmières de l'Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval et au RQRD.
Les problèmes les plus fréquemment rapportés par ces personnes étaient la douleur au dos (32%), les douleurs généralisées (24%), les maux de tête (12%), les douleurs neuropathiques (12%) et les douleurs à plus d'une partie du corps (12%). Malgré cela, ces personnes estimaient bien vivre avec la douleur chronique depuis au moins 6 mois.
Deux membres de l'équipe de recherche ont mené des entrevues avec ces personnes entre novembre 2022 et mai 2023. Les réponses ont permis de dégager trois éléments étroitement liés au fait de vivre sereinement avec la douleur chronique.
Établir un partenariat avec le personnel soignant
«Le premier est l'importance d'établir un partenariat de soins avec des professionnels de la santé, rapporte la professeure Bérubé. Le cheminement de ces personnes a été marqué par la rencontre de soignants qui se sont intéressés à elles, qui ont voulu connaître les différentes composantes de leur vie afin de bien cerner leurs besoins et de leur proposer des solutions adaptées à leur situation. Ces professionnels de la santé les ont aidées à développer une boîte à outils qu'elles utilisent pour composer avec la douleur chronique. Ils leur ont permis de profiter d'une continuité dans les soins, un élément qu'elles apprécient tout particulièrement en périodes de douleurs intenses.»
Profiter d'un environnement bienveillant
Ces personnes ont aussi pu bénéficier d'un environnement bienveillant, poursuit la chercheuse. «Il peut s'agir d'un employeur qui fait montre de compréhension et de flexibilité à leur endroit. Il peut aussi s'agir de proches qui les soutiennent dans le quotidien et sur qui elles peuvent compter. Les personnes qui souffrent de douleurs chroniques ont tendance à s'isoler et à entretenir un discours intérieur négatif. Les regroupements actifs dans le domaine de la douleur chronique, où il est possible de rencontrer des gens aux prises avec les mêmes problèmes et d'échanger avec eux, ont aidé plusieurs personnes à briser cet isolement et à trouver du soutien.»
S'affranchir de sa vie antérieure et avancer
Enfin, le troisième élément qui revient dans le discours des personnes qui réussissent à composer avec la douleur chronique tient dans ce conseil: il faut s'affranchir de sa vie antérieure et avancer. «La douleur chronique diminue les capacités des gens, le corps ne suit plus et il y a une perte de confiance en soi et en ses moyens, observe la professeure Bérubé. Ces personnes ont su ajuster leurs attentes et leurs normes de performance à cette nouvelle réalité, que ce soit au travail ou dans leur vie personnelle.»
— Mélanie Bérubé, au sujet des personnes vivant bien avec la douleur chronique
Selon la professeure Bérubé, les enseignements tirés du vécu de ces 25 personnes peuvent inspirer quiconque souffre de douleur chronique. «De plus, ils peuvent guider les professionnels de la santé, les employeurs et les proches dans leurs interactions avec des personnes souffrant de douleur chronique. Le défi est d'appliquer ces enseignements au quotidien.»
L'étude parue dans le Journal of Pain est signée par Mélanie Bérubé, Line Guénette et Laurence Bourque, de l'Université Laval, Suzy Ngomo, de l'UQAC, Lesley Norris Singer, du Réseau québécois de recherche sur la douleur, et Anne Hudon, de l'Université de Montréal.