La spectroscopie, notamment utilisée pour la détection de gaz dans l'atmosphère ou à la sortie d'une cheminée d'usine, est limitée par la mécanique quantique. «C'est comme un flou fondamental qui impose une contrainte sur la qualité des mesures du spectre, soit le rapport signal sur bruit», explique Jérôme Genest, professeur à la Faculté des sciences et de génie. Dans une étude publiée dans la revue Science, il démontre que ce flou quantique peut être manipulé pour améliorer la précision ou la vitesse des mesures. Cette avancée permettrait, par exemple, de détecter des fuites de gaz plus rapidement.
Pour y arriver, le professeur Genest et le doctorant Mathieu Walsh ont collaboré avec le professeur Scott Diddams de l'Université du Colorado. «On avait une équipe du tonnerre», lance le chercheur, aussi membre du Centre d'optique, photonique et laser (COPL).
L'étude porte sur les peignes de fréquences optiques, des lasers qui émettent des impulsions contenant des milliers de pics de couleurs qui s'apparentent aux dents d'un peigne à cheveux.
Ces lasers ont des propriétés liées les unes aux autres, qui ne peuvent pas être mesurées en même temps avec une précision infinie à cause de ce flou quantique. En manipulant les impulsions des peignes de fréquences, l'équipe a pu «compresser» la lumière pour maximiser un type de mesure au détriment d'une autre. Comme le bruit est réduit, les scientifiques ont pu détecter des concentrations de gaz avec une marge d'erreur beaucoup plus faible.
Cette compression ouvre la porte à des instruments plus rapides et sensibles. «On peut mesurer le même temps pour avoir une mesure réduite en bruit, ou mesurer plus rapidement et conserver le même niveau de bruit qu'avant», ajoute-t-il. Ce choix se fait selon l'application voulue. La rapidité de mesure peut, entre autres, permettre d'étudier des réactions chimiques qui se passent sur une très courte période.
L'avantage de leur méthode est l'utilisation d'instruments commerciaux, ce qui rend la technologie plus accessible. Elle utilise notamment une fibre optique spéciale qui permet de compresser la lumière. «C'est une fibre hautement non linéaire, ce n'est pas le même type de fibre qu'on utilise pour les télécommunications dans les maisons par exemple», précise le professeur Genest.
Cette preuve de concept ouvre la voie à d'autres applications, comme le Lidar qui utilise la lumière réfléchie pour mesurer des distances.
L'étude a été publiée dans la revue Science. Les signataires sont Daniel I. Herman, Mathieu Walsh, Molly Kate Kreider, Noah Lordi, Eugene J. Tsao, Alexander J. Lind, Matthew Heyrich, Joshua Combes, Jérôme Genest et Scott A. Diddams.