9 janvier 2025
Trois découvertes de l’Université Laval au palmarès du magazine Québec Science
Des équipes de l'Université Laval ont réalisé trois des 10 découvertes les plus importantes de l'année 2024 selon le magazine de vulgarisation scientifique Québec Science, qui a rendu public son 32e palmarès annuel
Le rôle clé d'une protéine dans la réparation des tissus endommagés à la suite d'un AVC, l'influence des œstrogènes dans la prolifération du cancer de la prostate et l'apport insoupçonné des fonds marins dans le bilan carbone de l'océan Arctique font partie des découvertes qui ont obtenu la faveur du jury composé d'une dizaine de scientifiques et de journalistes.
Une protéine qui pourrait favoriser le rétablissement après un accident vasculaire cérébral
Une équipe dirigée par le professeur Ayman ElAli, de la Faculté de médecine, a découvert le rôle clé d'une protéine dans la réparation des tissus endommagés à la suite d'un AVC. Cette percée pourrait éventuellement mener à la mise au point d'un nouveau traitement des AVC par voie nasale.
La protéine en question, appelée PDGF-D, a été découverte il y a une dizaine d'années mais sa fonction demeurait inconnue. Les seuls récepteurs connus de la PDGF-D se trouvent sur des cellules appelées péricytes, situées à l'interface des cellules nerveuses et des vaisseaux sanguins du cerveau. Ces cellules jouent un rôle essentiel dans la stabilisation du système vasculaire cérébral. Un AVC peut provoquer leur mort ou perturber leur fonctionnement.
Pour comprendre l'effet de la PDGF-D sur les péricytes, les chercheurs ont induit une sous-expression de cette protéine chez des souris utilisées comme modèle d'étude pour l'AVC. Dans les jours qui ont suivi l'AVC, ils ont constaté une plus forte mortalité des neurones et une réduction de la densité des vaisseaux sanguins.
Ils ont ensuite administré la PDGF-D dans la cavité nasale des souris après un AVC, ce qui a entraîné une meilleure survie des neurones et une augmentation de la densité et du débit des vaisseaux sanguins cérébraux. Des expériences in vitro avec des cellules humaines ont donné des résultats similaires.
À la lumière de ces résultats publiés en mai dernier dans la revue Cellular and Molecular Life Sciences, l'idée d'administrer cette protéine à des personnes qui viennent de subir un AVC s'impose spontanément à l'esprit: la molécule existe naturellement dans le corps, elle peut être synthétisée en laboratoire et il est possible de l'administrer de façon non invasive. Il reste maintenant à en faire la démonstration chez l'humain.
Des médicaments utilisés contre le cancer du sein pour traiter le cancer de la prostate
Une équipe dirigée par Étienne Audet-Walsh, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, a fait une découverte au potentiel clinique considérable: les médicaments utilisés contre le cancer du sein pourraient servir à traiter le cancer de la prostate. Ces médicaments, qui ciblent les récepteurs d'estrogènes, pourraient ralentir la progression des tumeurs chez environ 50% des patients.
Les estrogènes sont des hormones généralement associées à la femme, mais les hommes en produisent aussi, quoiqu'en quantités moindres.
Chez la grande majorité des hommes atteints d'un cancer de la prostate, les tumeurs prolifèrent en réponse aux androgènes, les hormones sexuelles dites masculines. C'est pourquoi les traitements ciblant ces hormones sont utilisés pour traiter ce cancer. L'efficacité de ces traitements diminue toutefois avec le temps et les scientifiques ont voulu savoir si les estrogènes pouvaient être en cause.
Ils ont étudié 280 tumeurs de la prostate et ont constaté que la moitié d'entre elles possédait des récepteurs d'estrogènes. En croisant ces résultats avec le dossier médical des patients, ils ont déterminé que l'abondance de ces récepteurs était liée au risque de récidive du cancer, à sa progression, à la formation de métastases et à la survie des patients.
Des expériences subséquentes sur des cellules et des animaux ont conduit à des résultats qui pointent tous dans la même direction. Lorsque les estrogènes se lient aux récepteurs d'estrogènes, ils stimulent des mécanismes liés à la croissance des cellules cancéreuses de la prostate. À l'inverse, des médicaments qui bloquent les récepteurs d'estrogènes réduisent la prolifération et la croissance de ces tumeurs.
La première auteure de l'article qui détaille cette découverte, publié dans The Journal of Clinical Investigation, est la doctorante Camille Lafront.
Le bilan carbone des végétaux des fonds marins de l'océan Arctique largement sous-estimé
Il était jusqu'à présent convenu que les algues et les herbiers qui vivent accrochés aux fonds marins avaient un apport marginal dans le bilan carbone de l'océan Arctique. Or, une équipe internationale dont faisaient partie plusieurs membres de la communauté de recherche de l'Université Laval a démontré, dans un article paru en mars dernier dans la revue PNAS, que la production annuelle de biomasse par ces organismes pourrait représenter jusqu'à 35% de la production primaire du phytoplancton de l'Arctique.
Deux raisons expliquent pourquoi on considérait que ces organismes avaient un apport très faible dans la production primaire de l'océan Arctique. Tout d'abord, les zones peu profondes où vivent ces organismes ont une superficie relativement petite comparée à celle occupée par le phytoplancton. Ensuite, les navires de recherche océanographiques sont généralement trop volumineux pour s'aventurer dans les zones côtières peu profondes et y recueillir des données.
Pour pallier cette lacune, le professeur Philippe Archambault et cinq autres personnes associées à la Faculté des sciences et de génie – les chercheurs du Laboratoire international de recherche Takuvik Mathieu Ardyna, Marcel Babin, Karen Filbee-Dexter et Karl Attard ainsi que le doctorant Foucaut Tachon – ont mis en commun leurs données obtenues à partir de plus petites embarcations et d'observations satellitaires avec celles de 15 chercheurs provenant de 9 pays.
Ils ont constaté que les algues et les herbiers marins qui croissent sur les fonds de l'océan Arctique couvrent une superficie de 3 millions de km2, soit deux fois la taille du Québec. La production primaire de ces organismes représente 77 milliards de kilogrammes de carbone par année, soit l'équivalent d'environ 500 000 km2 de forêts amazoniennes humides.