Une étude qui vient de paraître dans le Canadian Journal of Emergency Medicine montre que le personnel des urgences pourrait jouer un rôle clé dans le dépistage de la maltraitance envers les aînés. En effet, en posant une simple question à des personnes âgées qui s’étaient présentées à l’urgence pour un problème médical, des chercheurs ont pu établir que 5% d’entre elles étaient victimes d’abus physiques ou psychologiques.
«La maltraitance envers les aînés est difficilement détectable par examen physique ou par consultation du dossier médical. D’une part, parce qu’il n’y a pas de blessures qu’on peut typiquement associer à la violence physique chez les personnes âgées. D’autre part, parce que le sujet est tabou. Bon nombre de personnes âgées n’en parlent pas parce qu’elles veulent se protéger ou protéger leur agresseur», souligne le responsable de l’étude, Éric Mercier, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Le professeur Mercier et ses collaborateurs ont donc tenté une expérience dans 8 urgences situées à Québec, à Lévis ou à Sherbrooke. Entre mai et août 2021, les chercheurs ont posé deux questions directes à 1061 personnes de 65 ans et plus, vivant toujours à la maison, qui s’étaient présentées dans l’une de ces urgences. La première: «Croyez-vous être victime de maltraitance émotionnelle ou physique?» La seconde: «Avez-vous observé des comportements de votre entourage que vous considérez comme de la maltraitance ou de la négligence à votre endroit?»
«Environ 1 personne sur 20 a répondu oui à l’une ou l’autre de ces questions. On pourrait donc, en quelques secondes, détecter un phénomène social sous-diagnostiqué et, au besoin, diriger les victimes d’abus vers des ressources de l’hôpital ou vers des ressources communautaires en mesure de les aider», constate le professeur Mercier, qui est aussi médecin urgentologue et chef d'équipe en traumatologie à l'hôpital de l'Enfant-Jésus du CHU de Québec.
Présentement, moins de 0,03% des cas de maltraitance envers les aînés sont détectés lors d’une consultation à l’urgence. «On pourrait faire valoir qu’il y a beaucoup de choses à dépister chez des patients qui se présentent à l’urgence et que ces choses entrent en conflit les unes avec les autres, admet le professeur Mercier. On pourrait aussi faire valoir que les urgences sont débordées et qu’il faut aller à l’essentiel. Enfin, on pourrait faire valoir que la question de la maltraitance est délicate et complexe à aborder, tant du côté des patients que de celui des soignants. Mais une visite à l’urgence nous offre une occasion unique de détecter un problème occulté qui a une grande incidence sur la qualité de vie et sur la santé des personnes âgées. Il faut la saisir. Cela fait partie du travail des soignants. »
Les autres auteurs de l’étude parue dans le Canadian Journal of Emergency Medicine sont Samuel Gagnon, Alexandra Nadeau, Katherine Tanguay, Patrick Archambault, Audrey‑Anne Brousseau, Pierre‑Hugues Carmichael, Marcel Émond, Jean‑Francois Deshaies, Axel Benhamed, Pierre‑Gilles Blanchard et Fabrice Mowbray.