
Mattia Scarpulla
— Atwood
C'est un automne particulièrement chargé pour Mattia Scarpulla. Il y a eu d'abord la sortie de Hors de soi, un recueil de nouvelles signées par sept auteurs. Cet ouvrage sera suivi dans quelques jours du roman Bar Italia 90, qui marquera la fin de son doctorat en études littéraires.
«Ce double lancement littéraire représente beaucoup pour moi. Bar Italia 90, qui est mon second roman après Errance, représente six ans de recherche et d'échanges avec mon directeur de thèse, le professeur Alain Beaulieu. Ces trois livres sont liés par le thème de l'identité», explique l'auteur d'origine italienne.
Bar Italia 90 se passe en Italie, justement. C'est l'histoire d'une bande d'amis et de connaissances qui se retrouvent dans ce bar, sorte de microcosme multiculturel. La narratrice, Giulia, a quitté mari et enfants pour changer de décor et vivre de nouvelles expériences. Autour d'elle gravitent des personnages de diverses origines qui ont en commun d'avoir fait – eux aussi – un trait sur leur passé.
Si Errance se déroulait dans les années 1970 et 1980, cette fois, l'histoire s'étale entre 2008 et 2018. «Dans mon premier roman, je mettais en scène une génération d'adolescents désillusionnée par l'arrivée au pouvoir de Silvio Berlusconi. Avec Bar Italia 90, on retrouve cette même génération. Les personnages, trentenaires, se sentent déracinés. Ils ont coupé le pont avec cette société italienne conservatrice.»
À travers les relations qui unissent ses protagonistes, Mattia Scarpulla met en lumière la force de l'amitié. «J'ai voulu remettre en question l'importance de la famille. Pour plusieurs, une famille peut représenter un calvaire, un milieu qu'il faut fuir. Il n'y a pas besoin de liens de sang pour construire une famille. L'amitié, pour moi, en est une forme.»
L'écriture de Mattia Scarpulla est rythmée. Son récit, qui nous transporte entre l'Italie et Montréal, comprend une bonne dose de rebondissements, des scènes plus fantastiques et certains passages en poésie, l'auteur ayant un plaisir manifeste à jouer avec l'hybridation des genres.
Avec Alain Beaulieu comme directeur de recherche, l'étudiant a bénéficié de l'encadrement de cet auteur aguerri pour la rédaction de son roman. Le processus d'écriture s'est poursuivi avec Fanie Demeule, responsable éditoriale pour les éditions Tête première. «Fanie et Alain sont complètement différents dans leur approche de la création. Leurs conseils étaient complémentaires. Pour moi, ce fut très formateur et intéressant.»

Donner carte blanche à sept auteurs de talent
Pour Hors de soi, Mattia Scarpulla a fait appel à des écrivains qu'il a connus, pour la plupart, durant ses études doctorales: Sara Lazzaroni, Karine Légeron, Chantal Garand, Ayavi Lake, Éric LeBlanc, Éric Mathieu et Félix Villeneuve. Chacun a eu carte blanche pour écrire une nouvelle sur le thème du «territoire identitaire, intime et géographique».
Une sans-abri qui erre dans un centre-ville déserté, où elle se sent étrangère; une Française qui rejoint son conjoint en Arabie Saoudite, où elle se retrouve privée de toute liberté; un universitaire qui change de continent après avoir perdu son fils… Les récits nous amènent dans des univers pour le moins diversifiés.
«Au départ, le projet tournait autour de l'idée d'un voyage hors de soi. Quelles sont les identités qu'on nous impose et celles qu'on se fabrique? Quel est notre rapport à la communauté? Pour répondre à ces questions, je me suis fait plaisir en invitant des écrivains dont j'avais lu des textes et dont j'avais beaucoup aimé la texture littéraire», explique Mattia Scarpulla.
Ce n'est pas la première fois que Mattia Scarpulla tente l'expérience de direction d'un collectif. En 2021, avec une autre étudiante, Sophie-Anne Landry, il avait publié Épidermes, une anthologie de nouvelles portant cette fois sur le thème du corps. «J'aime beaucoup le format long de la nouvelle, dit-il. Avec Épidermes, on visait un format bref, plus viscéral. Les nouvelles de Hors de soi contiennent 5000 mots, ce qui permet d'aller plus en profondeur dans le sujet du voyage. Pour le lecteur, le format long offre des lectures différentes d'un même récit.»
Une implication tous azimuts
Arrivé au Québec en 2013, Mattia Scarpulla fait de plus en plus sa marque dans le milieu littéraire. Outre ses romans, nouvelles, recueils de poésie et articles scientifiques, il anime des ateliers d'écriture, participe à des résidences de création et organise des colloques et tables rondes. Celui qui fait actuellement un postdoctorat à l'Université Saint-Paul prépare un troisième roman, toujours sur le thème de l'identité, avec l'Italie comme toile de fond.