Un sondage en ligne mené auprès de 1000 personnes vivant au Québec révèle un fort appui aux mesures visant à assurer la conservation du caribou forestier et du caribou montagnard, même si cela devait se solder par des pertes d'emplois. «Les actions du gouvernement actuel dans ce dossier ne vont pas dans le sens souhaité par la population», constatent deux chercheurs de l'Université Laval dans une analyse qu'ils publient à ce sujet dans la revue Science of the Total Environment.
Daniel Fortin, professeur au Département de biologie, et Jérôme Cimon-Morin, du Département des sciences du bois et de la forêt, tous deux rattachés au Centre d'étude de la forêt de l'Université Laval, ont utilisé les données d'un sondage en ligne mené entre le 9 et le 14 septembre 2022 pour déterminer où se situait la population québécoise sur la question de la conservation du caribou forestier et du caribou montagnard.
Les populations de ces deux écotypes de caribou se portent mal au Québec. «La survie des caribous forestiers et montagnards est étroitement associée à la présence de peuplements matures, une ressource également convoitée par l'industrie forestière, ce qui cause des conflits d'usage importants», rappelle Daniel Fortin.
L'analyse des chercheurs révèle que 47% des répondants savent que les populations de caribou sont en déclin au Québec. Une fois informés de la situation de ces populations, les répondants estimaient dans une proportion de 64% que le gouvernement n'en faisait pas suffisamment pour protéger l'habitat de ce cervidé.
Les répondants devaient se prononcer sur deux scénarios mis de l'avant par le gouvernement du Québec en 2022. Le premier scénario proposait une baisse de 2,5% du volume de bois alloué à l'industrie entre 2023 et 2028. Cette baisse entraînerait la perte de 841 emplois dans le secteur forestier, mais elle permettrait de maintenir à des niveaux viables une partie des populations de caribou. Le second scénario prévoyait une légère hausse des coupes et le maintien du nombre d'emplois, mais il conduisait à la disparition des trois populations de caribous forestiers les plus méridionales (Val-d'Or, Charlevoix et Pipmuacan).
Le premier scénario a reçu l'appui de 36% des répondants, alors que le second scénario a récolté seulement 10% des appuis. La plus grande proportion des répondants, soit 41%, a jugé que les deux scénarios étaient insuffisants et que le gouvernement devait en faire plus, même si des pertes d'emplois devaient s'ensuivre.
Lorsque les répondants étaient informés qu'aucun des deux scénarios ne suffirait à stopper le déclin du caribou, 76% jugeaient la situation inacceptable et 83% souhaitaient davantage d'investissements gouvernementaux du côté de la conservation de ce cervidé. «Les gens estiment que le caribou est un élément important de la biodiversité et qu'en protégeant les forêts matures, on protège non seulement cette espèce, mais aussi d'autres espèces qui contribuent à la biodiversité», ajoute Daniel Fortin.
Le caribou forestier et le caribou montagnard figurent respectivement sur la liste des espèces vulnérables et sur la liste des espèces menacées au Québec. Plusieurs plans de rétablissement du caribou ont déjà été soumis au gouvernement, mais les recommandations qu'ils contiennent n'ont pas été mises en application.
«Nous espérons que les résultats de notre étude vont alimenter la réflexion du gouvernement et l'inciter à passer à l'action pour assurer la conservation du caribou. C'est clairement ce que souhaite la population du Québec», estime Daniel Fortin.