9 février 2023
Comment se porte l’approvisionnement responsable à travers le monde?
Le Programme des Nations unies pour l’environnement a publié un rapport auquel ont collaboré 5 chercheurs de l’Université, dont Luc Brès qui en présentera les faits saillants lors d’un webinaire gratuit et ouvert à tous

Créé en 1972, le Programme des Nations unies pour l’environnement visait, à l’origine, à accompagner les pays dans la mise en place de politiques écologiques. Depuis 2012, il s’est, entre autres, donné pour mission d’étudier la progression de l’approvisionnement responsable à travers le monde.
Depuis un peu plus d’une décennie, le Programme des Nations unies pour l’environnement s’est donné pour mission d’étudier, à intervalles réguliers, la progression réelle à l’échelle de la planète de la pratique de l’approvisionnement responsable ainsi que ses retombées sociales, environnementales et économiques. L’organisme a donc publié des rapports sur l’état de la situation en 2013 et en 2017.
En 2022, un nouveau rapport a été déposé, dans lequel on analysait, pour la première fois, l’achat responsable au sein des organisations privées. Or, le chapitre qui porte sur ce tout nouveau sujet a été entièrement rédigé par une équipe de chercheurs du Laboratoire interdisciplinaire de la responsabilité sociale des entreprises (LIRSE) de l’Université Laval.
«Le LIRSE a tout d’abord collaboré au projet de Baromètre de l’achat responsable 2020, un instrument qui permet aux organisations canadiennes de mesurer objectivement leurs achats et d’évaluer leurs actions d’après le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). C’est à cette occasion que nous sommes entrés en relation avec des acteurs du PNUE, qui nous ont ensuite invités à contribuer au rapport de l’organisme sur l’approvisionnement responsable mondial», relate Luc Brès, professeur au Département de management et codirecteur du LIRSE.
Avec les professeurs Marzia Angela Cremona du Département d’opérations et systèmes de décision et Martin Dumas du Département des relations industrielles, ainsi que les professionnelles de recherche Ouiam Outmani et Anne-Marie Saulnier, il a été appelé à contribuer à l’établissement de la méthodologie générale du rapport du PNUE, en plus de composer le chapitre 5 consacré aux entreprises.
Un portrait international de l’approvisionnement responsable
Le 2022 Sustainable Public Procurement (SPP) Global Review fait un bilan à partir des données recueillies auprès de 45 gouvernements nationaux ainsi que 314 organisations publiques et privées dans 92 pays. Les analyses reposent également sur l’opinion de 26 experts et la documentation scientifique récente. De manière générale, l’achat responsable est maintenant une pratique présente dans tous les types d’organisation.
Le rapport estime à plus de 13 trillions de dollars les dépenses annuelles à travers le monde liées à l’approvisionnement public, ce qui en fait un levier socioéconomique important. Les gouvernements, par leurs achats, peuvent ainsi avoir une incidence non seulement sur l’environnement, mais aussi sur des enjeux sociaux comme les droits de la personne et du travail ainsi que l’égalité, la diversité et l’inclusion.
Parmi les gouvernements nationaux participants, 82% appliquent réellement des politiques d’approvisionnement responsable et 76% ont mis en place une règlementation pour le promouvoir.
La position des entreprises
Omises des rapports précédents, les pratiques des entreprises en matière d’approvisionnement ont des répercussions majeures sur l’environnement. «On estime que la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise produit de 11 à 12 fois plus de CO2 que l’exploitation même de l’entreprise», avance Luc Brès. Ce chiffre est d’autant plus alarmant que l’exploitation de 100 entreprises a généré à elle seule plus de 70% des gaz à effet de serre produits par l’industrie depuis 1988.
Bonne nouvelle, les organisations dans le secteur privé sont de plus en plus sensibilisées et actives en matière d’approvisionnement responsable, surtout en Europe, en Amérique du Nord et en Asie-Pacifique. Si leurs préoccupations environnementales tournent surtout autour des changements climatiques et de leur empreinte environnementale, il arrive parfois qu’elles accordent aussi de l’importance à d’autres questions, comme la gestion de l’eau et la préservation de la biodiversité.
«Les entreprises divulguent de plus de plus leurs données, d’une part, parce qu’il y a des pays qui l’imposent par de nouvelles règlementations et, d’autre part, parce que bien des consommateurs et des investisseurs accordent de l’importance à la responsabilité sociale des entreprises. Toutefois, si les données sur les réductions des GES sont souvent précises, d’autres données sont moins bien documentées, notamment celles sur la préservation de la biodiversité ou sur des politiques inclusives», explique le professeur Brès.
De plus, même si les entreprises affichent de plus en plus une sensibilité au respect des droits de la personne et de l’environnement, il est très rare de les voir s’intéresser à la chaîne entière de fournisseurs. «Elles se rendent rarement au-delà des fournisseurs immédiats. Par exemple, le rapport indique que moins de 5% des entreprises cherchent à connaître la responsabilité sociale des fournisseurs de 3e rang et au-delà», affirme le professeur.
— Luc Brès
«Toutefois, ajoute-t-il, il faut admettre que beaucoup d’acheteurs dans les grandes entreprises vivent un "effet de goulot". Dans les dernières années, plusieurs contraintes se sont ajoutées à leurs tâches, notamment avec la pandémie et les nouvelles technologies, sans pour autant que leurs ressources soient augmentées.»
La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs bien révélé la grande fragilité de la chaîne d’approvisionnement des entreprises. «Si le virus a montré l’importance des employés de première ligne dans les hôpitaux, il a aussi mis en lumière la valeur des travailleurs de "dernière ligne", ceux qu’on appelle les travailleurs de fond de chaîne», indique le chercheur.
Les investisseurs accordent, en effet, de plus en plus d’importance à l’approvisionnement, mais pas seulement pour des questions d’ordre éthique. Ils veulent revoir la capacité de résilience de cette chaîne pour éviter de nouvelles crises en ressources matérielles, comme celle vécue pendant la pandémie.
«Il s’agit vraiment d’une tendance lourde chez les entreprises et les investisseurs de s’assurer d’avoir une chaîne d’approvisionnement responsable, car selon les pronostics de la Bank of America, des crises, quoique moins dures que celle vécue dernièrement, devraient survenir tous les 5 à 6 ans dans les chaînes d’approvisionnement», soutient le professeur Brès.
Et les autres faits saillants de l’étude?
Tous ceux qui veulent en savoir plus sont invités à assister au webinaire «Panorama mondial de l'approvisionnement durable», qui se tiendra le jeudi 16 février. Organisé par l'Espace québécois de concertation sur les pratiques d'approvisionnement responsable, en collaboration avec le PNUE et le LIRSE, cette rencontre gratuite et ouverte à tous présentera les grandes conclusions du 2022 SPP Global Review. Le professeur Luc Brès sera l'un des intervenants de ce webinaire. Il sera accompagné de Farid Yaker, directeur du programme d'approvisionnement responsable du PNUE, et d'Aure Adell, experte-conseil à l'ECPAR. Tous trois dévoileront les principaux moteurs, les grands défis et les tendances émergentes de l'achat responsable ici et là sur la planète.
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