
Les peptides antifongiques découverts par les chercheurs pourraient aider à prolonger la conservation des charcuteries, notamment les saucissons secs et les saucisses.
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Le recours à des additifs chimiques pour prévenir le développement des microorganismes dans la viande coûte des millions de dollars chaque année aux entreprises alimentaires québécoises. Il y aurait toutefois moyen d'abaisser substantiellement cette facture tout en ayant recours à des molécules biologiques produites à partir du sang des abattoirs, croit une équipe de recherche de l'Université Laval. Un nouveau pas en ce sens vient d'être franchi par ces chercheurs qui rapportent, dans la revue scientifique Foods, avoir produit et caractérisé, à partir du sang de porc, 8 nouveaux peptides qui freinent la croissance des moisissures et des levures dans la charcuterie.
«L'abattage de porcs génère environ 21 millions de litres de sang chaque année au Québec, signale le responsable de l'étude, Laurent Bazinet. La partie solide et colorée de ce sang, appelée cruor, représente 40% de ce volume et elle est encore peu valorisée. Nos travaux antérieurs ont montré qu'on pouvait en tirer des agents de conservation alimentaire aussi efficaces qu'un additif couramment utilisé pour la conservation de la viande», ajoute le professeur du Département des sciences des aliments et membre de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels.
Pour produire ces molécules bioactives, les chercheurs séparent le cruor du sang d'abattage par simple centrifugation. Le cruor est ensuite soumis à un traitement enzymatique qui coupe les protéines en molécules plus courtes appelées peptides. Après coup, les chercheurs utilisent différentes techniques de laboratoire pour caractériser et identifier les séquences peptidiques.
C'est par un heureux concours de circonstances que l'équipe du professeur Bazinet a découvert de nouveaux peptides antifongiques dans le sang de porc. «Nous faisions des tests pour atténuer la coloration rouge de l'hydrolysat de cruor (attribuable à sa forte concentration en hème), explique le chercheur. Nous avons constaté qu'après un traitement décolorant qui visait à enlever l'hème, l'activité antifongique de l'hydrolysat était 12 fois plus faible. Nous avons eu l'idée d'analyser ce qui se trouvait dans la fraction qui avait été éliminée par le traitement. C'est ainsi que nous avons isolé et caractérisé 8 nouveaux peptides qui pourraient servir à prolonger la durée de conservation des charcuteries, notamment les saucissons secs et les saucisses qui sont particulièrement sensibles aux levures et aux moisissures.»
— Laurent Bazinet
Les partenaires industriels qui financent les recherches du professeur Bazinet surveillent avec attention les progrès de ces travaux. «L'idée de valoriser le sang d'abattage par la production d'agents de conservation alimentaire s'inscrit bien dans une perspective d'économie circulaire et durable», souligne le professeur Bazinet.
Les signataires de l'étude parue dans Foods sont Aurore Cournoyer, Jacinthe Thibodeau, Laila Ben Said, Zain Sanchez-Reinoso, Sergey Mikhaylin, Ismail Fliss et Laurent Bazinet.