
Comment expliquer que de petits studios de Québec, comme Bishop Games, parviennent à commercialiser leurs créations auprès de géants comme Nintendo?
En fait, ces petites entreprises ne bénéficient pas d'un lien direct avec les grandes compagnies. Elles vendent d'abord leur jeu sur des plateformes de distribution en ligne comme Steam, ce qui démontre déjà la qualité du produit. Les prix récoltés à l'étranger, lors des rencontres avec l'industrie, aident aussi à se faire connaître et remarquer de grands distributeurs comme Nintendo. Depuis le krach du jeu vidéo de 1983, ce sont surtout les consoles comme Sony qui vendent les jeux traditionnels, car les consommateurs ont confiance en leur sélection. C'est très impressionnant de voir que les jeux de Bishop Games, une compagnie qui comptait seulement trois personnes au départ, se retrouvent sur la même plateforme que des jeux développés avec des budgets de plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de millions de dollars. L'entreprise a commencé ses activités en 2014 à Québec avec du sociofinancement. Puis, elle a gagné des prix avec Light Fall. Dans ce jeu d'action, le joueur dispose d'un cube pour se déplacer à travers des tableaux au graphisme de grande qualité et d'une très grande esthétique, entre lumière et ténèbres. C'est exactement le genre de produit destiné au grand public qui fonctionne très bien avec la console Switch de Nintendo, une console mobile.
De quelle façon se développe l'industrie du jeu vidéo au Québec?
L'arrivée d'Ubisoft en 1997 à Montréal a donné une grande impulsion à cette industrie, d'autant plus que l'entreprise a développé Assassin's Creed à 100% ici. Ce jeu est devenu, par la suite, une franchise. Un peu comme dans le cas de grandes productions hollywoodiennes à la Star Wars, les produits dérivés se sont multipliés. On voit alors apparaître des complexes transmédiatiques, où l'on retrouve aussi bien des films que des bandes dessinées ou des jeux mobiles moins complexes qui restent dans l'univers d'Assassin's Creed. En effet, les consommateurs ne se cantonnent pas au jeu disponible sur une grande console. Les grands studios ont aussi tendance à investir beaucoup dans la recherche documentaire autour du jeu pour sortir des sentiers battus. Certains embauchent des historiens et même des économistes pour bâtir un scénario de qualité. Leur rôle consiste à s'assurer du bon fonctionnement de l'économie artificielle d'un jeu multi-joueurs. Il faut éviter que certains ne trouvent des moyens détournés de s'enrichir trop vite. C'est très mal vu dans les communautés de joueurs de payer pour trouver des éléments qui, selon le scénario, prennent beaucoup de temps à acquérir.
Selon vous, quel est l'avenir de cette industrie?
La commercialisation des jeux sur des réseaux numériques mondiaux change actuellement beaucoup la donne pour les petits studios. Jusque-là, les grands studios, qui suivent la logique du cinéma hollywoodien, avaient tendance à prendre moins de risques, car les sommes investies pour développer un de leurs produits sont énormes. Ils doivent donc vendre des millions de jeux dès la première semaine suivant le lancement pour couvrir leurs frais. Parfois, cela ne fonctionne pas. Ce fut le cas pour For Honor, lancé par Ubisoft, qui n'a pas réussi à garder longtemps l'intérêt des joueurs en ligne. Aujourd'hui, les petits créateurs se regroupent au sein d'organismes comme la Guilde des développeurs de jeux vidéo indépendants du Québec. Ils ont accès à des plateformes sur le Web comme Humble Bundle ou IndieGala, des vitrines qui permettent aux consommateurs d'avoir accès à de nouveaux jeux sur PC. Sur le nombre, certains se démarquent et ils aboutissent sur un réseau de distribution comme celui de Steam, qui sélectionne davantage les jeux. Par contre, le fait de pouvoir jouer à ce nouveau jeu sur une console demande une adaptation, car il faut réviser le code.