
22 étudiants et 6 chercheurs ont contribué à l'exposition.
— Faculté des sciences de l’administration
«L’objectif n’était pas d’illustrer le sens littéral de l’article scientifique, mais de se l’approprier pour le transformer et lui donner une nouvelle existence, de créer des ponts entre la raison et l’imaginaire, en somme», explique avec enthousiasme Virginie Francoeur, initiatrice et coordonnatrice du projet. «La seule contrainte consistait à ce que les étudiants ne communiquent pas avec les auteurs des articles», souligne la jeune femme. Elle-même poète, Virginie Francoeur a participé à l’exercice et s’est s’inspirée d’un article portant sur l’intégration socioprofessionnelle des itinérants signé par Yves Hallée. Dans son texte intitulé Rue Sainte-Catherine, elle raconte la vie et la mort de Franky, un itinérant à qui elle apportait parfois des vêtements et son milk-shake préféré. «Par mes mots, j’ai voulu redonner une dignité à Franky, dit-elle. Je voulais aussi montrer que la situation qu’il vivait est tellement banalisée qu’on n’y prête plus vraiment attention. Il ne faut pas oublier que des gars et des filles comme Franky, il en meurt tous les jours...»
«Comme si je lavais des choses inertes, au rythme d’une chaîne de montage...», écrit Anaïs Palmers. Étudiante à la maîtrise en littérature et arts de la scène et de l’écran, elle s’est penchée, pour sa part, sur un article d’Anne Marché-Paillé où cette dernière explore les stratégies élaborées par le personnel infirmier pour résister au dégoût engendré par leur travail d’assistance aux soins personnels des personnes âgées. Ce sujet délicat a ému Anaïs Palmers, dont le poème construit à partir de mots et d’extraits de témoignage des répondants s’avère touchant. On peut dire la même chose du texte de Bobby Aubé, qui décrit la première journée de stage d’un étudiant en soins infirmiers. En quelque 25 lignes, l’étudiant réussit à plonger le lecteur dans la réalité parfois déshumanisante de ce travail ingrat et difficile.
Pas facile d’illustrer un article sur les comportements de citoyenneté organisationnelle et les relations avec l’engagement affectif, la satisfaction et l’implication au travail. Même si elle avoue que le sujet de l’article de Pascal Paillé lui a paru assez lourd, c’est pourtant le défi qu’a relevé avec brio Maude Martel, étudiante en design graphique. Sur son affiche, on distingue deux fenêtres, comme autant de catégories d’«oiseaux de nuit»: ceux qui travaillent tard au bureau le soir pour plaire à leur patron et parce qu’ils sont submergés de travail, et les autres qui le font par plaisir ou parce que la nuit les inspire. «La question est de savoir si on se donne au travail pour faire plaisir à son patron ou plutôt parce qu’on veut se dépasser soi-même, se demande Maude Martel. Est-ce qu’on se surpasse ou est-on complètement dépassé?»
De prime abord, l’étudiante en design Catherine Beltrami avoue avoir trouvé plutôt complexe la lecture de l’article scientifique d’Yves Gendron. En effet, il n’était pas trop évident pour l’artiste de créer à partir du concept de «mouvance organisationnelle» et des jeux de vérité qui y sont reliés. Pour résoudre le problème, Catherine Beltrami a choisi de rendre le texte «graphiquement plus accessible» en prenant à la lettre le concept de mouvance. Le résultat est assez impressionnant.
Le mot de la fin revient à Myriam Michaud, coauteure de l’article sur les enjeux de la professionnalisation des entreprises d’économie sociale. «C'est intéressant de voir que les artistes ré-humanisent les sujets que la recherche scientifique a, en quelque sorte, déshumanisés, commente-t-elle au sujet de l’exposition. En science, on se concentre sur un aspect, une statistique, une caractéristique. Par leur imagination, les artistes ont remis l'individu, l'humain à l'avant-scène.»
L’exposition est présentée jusqu’au 23 décembre, au 4e étage de la Bibliothèque du pavillon Jean-Charles-Bonenfant.
