«Dans bien des pays, depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1990, on a observé une tendance à la hausse du pourcentage de la population, femmes et hommes, qui obtenait un permis de conduire à un âge relativement jeune, explique Martin Lee-Gosselin, professeur émérite et chercheur régulier au Centre de recherche en aménagement et développement. Or depuis un certain nombre d'années, la tendance est à la baisse, entre autres, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.»
Martin Lee-Gosselin est professeur invité, depuis 2006, à l'Imperial College London, en Angleterre. Avec trois confrères britanniques, Scott Le Vine, Peter Jones et John Polak, il a mené une étude sur ce phénomène baissier. Leur recherche a consisté à vérifier l'hypothèse suivante: est-ce que la sensibilité accrue des jeunes adultes à la protection de l'environnement est responsable, en tout ou en partie, du fait qu'ils fassent moins de demandes de permis de conduire? Les résultats de l'étude ont paru il y a quelques mois dans la revue américaine Transportation Research Record: Journal of the Transportation Research Board.
«La réponse à notre question de recherche est non, affirme le professeur Lee-Gosselin. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, la sensibilité aux questions environnementales ne constitue pas un facteur qui contribue de façon significative au phénomène que nous avons étudié.» Les chercheurs ont notamment fait l'analyse statistique de données de l'enquête nationale britannique sur les habitudes de déplacement des citoyens pour la période de 2009-2010. Cette enquête révèle que, chez les gens âgés entre 17 et 29 ans, seulement 1,3% des répondants, hommes et femmes, ont déclaré ne pas conduire pour des raisons environnementales.
Selon le chercheur, ce résultat met en lumière un autre phénomène: la diminution de la sensibilité environnementale. «Notre analyse statistique montre qu'au Royaume-Uni, de 2006 à 2011, soit en à peine cinq ans, le pourcentage d'adultes prêts à modifier leur comportement de conducteur afin de limiter le changement climatique est passé de 77% à 65%», indique Martin Lee-Gosselin. Il ajoute qu'aux États-Unis, le nombre d'adultes qui accordent la priorité à la protection de l'environnement a chuté de 70% à 43% entre 2000 et 2013.
Les chercheurs ont aussi analysé des données provenant de sondages d'opinion publique dans les deux pays. Un certain nombre de facteurs expliqueraient la baisse des demandes de permis de conduire chez les jeunes adultes britanniques et américains. L'un d'eux concerne les coûts associés à l'automobile, notamment l'achat et les assurances. La plus grande complexité pour obtenir un permis de conduire représente un autre facteur potentiel, de même que la concentration des jeunes adultes dans les grandes villes où avoir un permis s'avère moins nécessaire. Il ne faut pas non plus oublier les effets de la dernière crise financière et économique, laquelle a causé, entre autres, une augmentation des emplois à temps partiel.
Tout ceci fait dire aux chercheurs, en conclusion de leur étude, que les jeunes adultes d'aujourd'hui font face à des contraintes économiques différentes de celles des générations antérieures.