«Envie pressante d’aller aux toilettes, vomissements impromptus: cela nous est tous déjà arrivé au moins une fois. Les raisons peuvent être diverses. Mais dans ce cas précis, le responsable n’est rien d’autre qu’un tout petit virus insignifiant. Je veux nommer le norovirus humain!»
Le moins qu’on puisse dire est que la doctorante en sciences des aliments Linda Amayele Sanka n’y est pas allée par quatre chemins dès le début de sa présentation, le mardi 26 mars à l’amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins, lors de la finale locale 2024 du concours Ma thèse en 180 secondes. Son exposé dynamique d’une durée de trois minutes s’intitulait «Oh non! J’ai du vomi sur mes fraises». Pour la qualité de sa présentation livrée avec talent, l’étudiante a obtenu le premier prix du volet francophone. Cette distinction lui permettra de représenter l’Université Laval à la finale nationale du concours Ma thèse en 180 secondes, qui se tiendra au mois de mai prochain à l’Université d’Ottawa, à l'occasion du 91e Congrès annuel de l’Acfas. Pour rappel, l’Acfas est un organisme à but non lucratif qui contribue à l’avancement des sciences au Québec, dans la francophonie canadienne et sur la scène francophone internationale.
Des centaines de spectateurs en présentiel et en ligne
La finale du 26 mars était organisée par la Faculté des études supérieures et postdoctorales. Elle s’est déroulée devant plus d’une centaine de spectateurs. Environ 350 autres ont suivi la retransmission en direct de l’événement sur la chaîne YouTube de la Faculté. Quatorze finalistes sélectionnés représentaient leur faculté respective. Onze personnes ont fait leur présentation en français et trois autres l’ont faite en anglais. En un maximum de trois minutes, à l’aide d’une seule diapositive statique, chacune et chacun avait le défi de présenter leur projet de recherche en termes simples, avec clarté, concision et conviction. Le jury a fait ses choix à partir de trois critères: le talent d’orateur des candidates et candidats, leur capacité de vulgarisation et leur capacité de synthèse.
Le premier prix du volet anglophone a été décerné à Vahideh Akbari, doctorante en génie du bois et matériaux biosourcés, pour sa présentation «Let’s Dance on the Denser Floor!» Elle participera à la finale du concours Three Minute Thesis de la Northeastern Association of Graduate Schools, en avril, ainsi qu’à la finale de l’est du Canada, en juin et pour le même concours, de la Canadian Association for Graduate Studies.
L’ennemi public numéro un
Linda Amayele Sanka surnomme le norovirus humain «l’ennemi public numéro un au Canada». «Il n’y a qu’à voir les chiffres, soutient-elle. Chaque année, ce sont entre 300 et 400 épidémies liées au norovirus qui sont recensées. Le nombre de personnes qui tombent malades à la suite de la consommation de produits contaminés par ce virus est estimé à environ un million. Cependant, il s’agit d’un nombre sous-estimé, car la maladie n’est généralement pas déclarée par les personnes qui la contractent.»
Lorsqu’il est ingéré en quantité suffisante, le norovirus humain provoque, dans les 24 à 48 heures suivantes, une forte diarrhée et des vomissements en jet. «Or, explique l’étudiante, ces malaises désagréables peuvent générer des particules qui se retrouvent en suspension dans l’air. Pour la diarrhée, les particules proviendraient de la chasse d’eau, des milliers de gouttelettes étant émises dans l’air lorsqu’elle est tirée. Pour les vomissements, soit le liquide est facilement réduit en particules très fines, soit les virus éjectés lors du vomissement peuvent aussi être capturés par le flux d’air environnant. Selon leur taille, les particules peuvent parcourir une certaine distance. Mais après, où vont-elles? Et que deviennent-elles?»
Une chambre expérimentale
C’est là que la chercheuse entre en jeu. Sa recherche doctorale vise à montrer que, sous certaines conditions environnementales, ces particules peuvent potentiellement contenir le virus, celui-ci pouvant se déposer sur les surfaces et sur les aliments que l’on consomme.
«En laboratoire, dit-elle, j’utilise une chambre expérimentale dans laquelle je dépose des fraises et de petits morceaux ronds en acier inoxydable que j’expose à une solution de virus mise en suspension dans l’air. Je récupère ensuite les fraises à partir desquelles je détermine la quantité de virus qui s’y est déposée. La suite de mon projet de recherche consiste donc à mettre en place des moyens efficaces qui permettront d’empêcher, ou au moins de réduire, le dépôt de ce virus.»
Linda Amayele Sanka réalisera la même expérience, mais en présence d’un système de traitement de l’air. Les résultats lui permettront de donner des directives en ce qui concerne la prise en charge des lieux dans lesquels se produisent les événements de diarrhée et de vomissements.
Elle rappelle que le maintien d’une bonne hygiène et la désinfection au chlore restent la recommandation officielle pour les surfaces. «Cependant, ajoute-t-elle, l’application d’un système de traitement pourrait être une solution pour empêcher le dépôt de particules se trouvant dans l’air. L’utilisation de système portatif de traitement de l’air serait aussi envisageable lors du nettoyage de la zone où l’événement s’est produit.»
Devant le miroir, ensuite devant des amis
À voir son sourire, sa gestuelle et ses déplacements, il est clair que la doctorante est à l’aise à parler devant un groupe de personnes. «Dès mon jeune âge, dit-elle, je me suis familiarisée avec la prise de parole en public en faisant la lecture à la messe.»
En vue du concours, elle s’est exercée seule devant son miroir, ensuite devant des amis. Son principal défi a consisté à éviter le terme «aérosol» pour parler des particules en suspension dans l’air, et tous les autres s’y rapportant, comme «aérosolisation, nébulisation». Ces expressions sont couramment utilisées au laboratoire. «C’est après plusieurs pratiques que j’ai pu les remplacer», explique-t-elle.
Le projet de recherche de Linda Amayele Sanka se déroule au sein de deux laboratoires, l’un à l’Université Laval sous la direction de la professeure Julie Jean, l’autre à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec sous la direction de la professeure Caroline Duchaine.
Et l’originalité de sa recherche? «À ce jour, répond-elle, il n’existe aucune étude qui vise à déterminer le rôle des virus alimentaires retrouvés en suspension dans l’air dans la contamination des surfaces et certaines matrices alimentaires. Ce projet de recherche s’inscrit donc dans une dynamique novatrice dans la mesure où il apportera des réponses à des questions qui sont restées jusque-là sans réponse.»
Visionner l'enregistrement de la finale locale de Ma thèse en 180 secondes sur la chaîne YouTube de la Faculté des études supérieures et postdoctorales. La présentation de Linda Amayele Sanka commence à 10 minutes et 30 secondes.