Le stress ne manque pas dans la vie des étudiants universitaires de premier cycle. Au moment où ils traversent une importante période de transition dans leur vie, ils doivent performer dans leurs études, jongler avec des finances personnelles précaires et trouver leur place dans la société. En théorie, la dose additionnelle de stress induite par la pandémie de COVID-19 aurait pu accroître leur vulnérabilité et se répercuter sur leurs habitudes de vie. Et en pratique? C'est exactement ce qui se serait produit, suggère une étude publiée dans la revue Applied Physiology, Nutrition and Metabolism par une équipe de recherche de l'Université Laval
«L'idée de cette étude m'est venue après avoir constaté les effets de la pandémie sur mes propres habitudes de vie, explique Mathieu Filiatrault, étudiant à la Faculté de pharmacie et à la Faculté de médecine et premier co-auteur de l'étude. Je suis arrivé à l'Université Laval à l'automne 2020. Presque tous les cours étaient donnés à distance, j'avais l'impression de vivre dans une bulle et de revivre la même journée tous les jours. J'avais complètement arrêté de m'entraîner, je mangeais beaucoup de comfort food et j'avais pris du poids. Je me suis demandé si les autres étudiants vivaient la même chose.»
L'étudiant, qui s'est joint en 2022 à l'équipe du professeur Jean-Philippe Drouin-Chartier, de la Faculté de pharmacie et du Centre NUTRISS, a pu répondre à son questionnement grâce à des données provenant du projet ExPan (Expériences pandémiques). Mis sur pied en réponse à un appel à projet lancé par le Vice-rectorat à la recherche, à la création et à l'innovation de l'Université Laval à la session d'hiver 2022, ce projet visait à documenter l'expérience pandémique des étudiants de premier cycle de l'Université Laval ainsi que son incidence sur leur santé, leur cheminement scolaire et leur transition de vie.
Dans le cadre d'ExPan, 708 étudiants de premier cycle de l'Université Laval ont répondu à des questions qui ont permis de documenter leur niveau de stress lié à la pandémie ainsi que leurs habitudes de vie, notamment l'activité physique, l'alimentation, le sommeil, le tabagisme, le vapotage ainsi que la consommation d'alcool, de cannabis et d'autres drogues. Les réponses fournies par les étudiants ont permis de calculer un indice de stress pandémique et un indice de mode de vie sain, et de vérifier l'existence d'une association entre les deux variables.
Premier constat, les personnes plus jeunes, de sexe féminin, qui avaient un trouble de déficit de l'attention, un trouble de l'humeur ou un trouble anxieux, qui avaient déjà eu la COVID-19 ou qui étaient originaires d'un autre pays se retrouvaient plus souvent dans le quintile supérieur d'indice de stress pandémique.
Second constat, plus le stress rapporté par les répondants était grand, plus leur indice de mode de vie sain était bas. Plus particulièrement, l'indice de stress pandémique était négativement corrélé à la qualité du sommeil et à la consommation de fruits et de légumes, et il était positivement corrélé à la consommation d'alcool, de cannabis et d'autres drogues.
«Le stress lié à la pandémie était négativement associé aux bonnes habitudes de vie, résume Mathieu Filiatrault. On ne peut pas conclure qu'il y a un lien de causalité entre les deux variables, mais l'association est “robuste” parce qu'elle subsiste même lorsque les analyses tiennent compte de l'effet des autres facteurs.»
Les analyses ont également fait ressortir le fait que les étudiants qui n'ont pas profité d'accommodements dans leurs études, par exemple ceux qui n'ont pas eu plus de temps pour remettre leurs travaux ou pour faire leurs examens, ont rapporté plus de stress et plus de répercussions sur l'indice de vie saine.
«À l'opposé, nous n'avons pas observé ce lien chez les étudiants qui avaient profité de ces accommodements. Le trouble de déficit de l'attention, les troubles de l'humeur et le trouble anxieux sont fréquents chez les étudiants universitaires. En temps de pandémie, il est particulièrement important de répondre aux besoins de ces populations», conclut Mathieu Filiatrault.
Les autres signataires de l'étude parue dans Applied Physiology, Nutrition and Metabolism sont Lise Leblay, première co-auteure, Valérie Guay, Chantal Desmarais, Adèle Garnier, Simon Larose, David Litalien, Catherine Mercier, Laure Saulais et Jean-Philippe Drouin-Chartier.