
Stefano Biondo, Joë Bouchard et la carte du grand cartographe flamand Gérard Mercator.
— Marc Robitaille
L’exposition débutera le mardi 24 septembre, à l’occasion de la Semaine de la culture de l’Université Laval. Elle prendra fin le 7 mars 2014. Une superficie d’une centaine de mètres carrés y est consacrée au quatrième étage de la Bibliothèque.
«On est frappé dès le départ par la vue circulaire sur les régions polaires, explique Stéfano Biondo. Habituellement, le nord est représenté en haut d’une carte géographique. Ce qui frappe aussi est la banquise polaire au centre.» Selon lui, cette figure relève du mythe. La banquise est constituée d’un rocher central entouré de quatre îles séparées par quatre bras évacuateurs. «On croyait, à l’époque, que le surplus d’eau provenant des mers s’engouffrait dans les bras, comme un delta inversé, poursuit-il. L’eau remontait jusqu’au rocher central, tourbillonnait autour avant de s’engouffrer en dessous pour se rendre au noyau de la Terre où elle s’évaporait au contact du feu.»
Stéfano Biondo et Joë Bouchard sont les deux commissaires de l’exposition. Stéphanie Bois-Houde et Madeleine Robin ont assuré la réalisation et la coordination du projet. Le concept mis de l’avant s’articule autour de comparaisons cartographiques régionales. Il s’agit de comparer des extraits de la carte de Mercator aux régions géographiques équivalentes sur une carte datant de 2012. Les cinq régions ciblées sont, dans la terminologie d’aujourd’hui, le détroit de Béring, la mer de Beaufort, le bassin du fleuve Mackenzie, la baie d’Hudson et un ensemble de trois pays scandinaves. Un transparent, placé devant chacun des extraits de la carte de Mercator, montre les principaux éléments géographiques d’aujourd’hui. Il permet de distinguer ce qui est semblable de ce qui ne l’est pas sur la carte ancienne.
«La représentation de la Norvège, de la Suède et de la Finlande est précise, affirme Stéfano Biondo. Les contours se ressemblent vraiment. On s’y attend, car la connaissance du monde européen est beaucoup plus grande à cette époque que celle de l’Amérique du Nord.»
C’est effectivement une autre histoire en ce qui concerne l’extrême nord du Canada du 16e siècle. Mercator ne fait qu’esquisser le Haut-Arctique canadien. Le cartographe situe une masse d’eau arrondie à l’intérieur du continent qui peut s’apparenter à la baie d’Hudson. Mais la superficie occupée par la masse d’eau est deux fois plus petite que celle de la baie d’Hudson. Et la direction de l’évacuation des eaux diffère. «Ce qui étonne, c’est le positionnement en terme de latitude, dit-il. Officiellement, ladite baie n’a été découverte qu’en 1609.»
Le bassin du fleuve Mackenzie est traversé par trois cours d’eau parallèles qui coulent vers le nord-ouest. Ce système hydrographique complexe s’avère d’une précision étonnante chez Mercator. «Cette précision est difficile à comprendre, indique-t-il. Le bassin est pratiquement au même endroit. Comment a-t-il fait? D’où venait l’information? Nous sommes environ 200 ans avant la découverte officielle du Mackenzie.»
Autre surprise: dans sa représentation de la mer de Beaufort, Mercator semble situer le détroit de McClure au 76e degré de latitude nord, à peine un degré de plus que son positionnement réel. «C’est très impressionnant», affirme Stéfano Biondo.
La représentation que fait Mercator du détroit de Béring, entre la Sibérie et l’Alaska, a ceci de particulier que son existence n’était pas reconnue par tous à l’époque. Plusieurs cartographes croyaient que l’Amérique était un appendice de l’Asie. «Chez Mercator, la distance entre les deux côtes est pas mal la même que sur la carte de 2012», soutient-il.
L’exposition comprend un site Web sur la carte Septentrionalium Terrarum descriptio ainsi qu’une vitrine mettant en valeur d’autres cartes géographiques du 16e siècle. On peut également y voir des reproductions de deux globes, un terrestre l’autre céleste, réalisés par Mercator.
Une conférence-midi sur l’exposition «Gérard Mercator. Une vision du Nord» aura lieu le 24 septembre, de 12h30 à 13h30, au local 4229 de la Bibliothèque du pavillon Jean-Charles-Bonenfant. Seront présents Stéfano Biondo, Joë Bouchard et Louis-Edmond Hamelin, les coauteurs du livre L’Apparition du Nord selon Gérard Mercator.
Pour en savoir plus: mercator.bibl.ulaval.ca