
La cérémonie de signature, en 1982, sur la colline parlementaire d'Ottawa, de la proclamation visant le rapatriement de Londres de la Constitution canadienne et sa révision subséquente. Le ministre de la justice, Jean Chrétien, s'exécute face à la reine Elizabeth II. Derrière lui, troisième à partir de la gauche, le premier ministre Pierre Elliot Trudeau.
C’est par ces mots que la professeure de droit constitutionnel Eugénie Brouillet a terminé son exposé sur la notion de pacte fédératif, le vendredi 13 avril à Montréal, à l’occasion d’un colloque sur le 30e anniversaire du rapatriement de la Constitution canadienne.
Selon Eugénie Brouillet, la réforme constitutionnelle de 1982, bien que conforme au droit constitutionnel, a produit «des effets dévastateurs» sur la relation de confiance à la base du pacte fédératif négocié de bonne foi, en 1867, entre le Québec et les trois autres provinces fondatrices du Canada. Entre autres, la Loi constitutionnelle de 1982 troquait la vision de deux peuples fondateurs égaux pour le principe du multiculturalisme et retirait au Québec son droit de veto sur les modifications pouvant affecter ses pouvoirs ou son statut au sein de la fédération.
«La Loi s’applique juridiquement au Québec, a poursuivi Eugénie Brouillet, mais elle fait face à un grave déficit de légitimité politique. Le Québec n’y a jamais consenti, ce qui pose un problème politique grave et fait planer une menace sur l’unité du pays.»
Peu de cohérence
Expert reconnu de la politique canadienne, le professeur Guy Laforest du Département de science politique a également participé au colloque. Dans son exposé, il a mis l’accent sur la responsabilité du gouvernement du Québec dans le dossier constitutionnel, entre le référendum sur la souveraineté-association de 1980 et l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982.
Au printemps 1981, le gouvernement du Québec a accepté de renoncer à son droit de veto historique pour une formule de retrait avec compensation financière. «René Lévesque a pris cette décision de manière précipitée et de façon improvisée», explique Guy Laforest.
Claude Ryan était à l’époque chef du Parti libéral du Québec. Ce penseur influent avait une vision du renouvellement du fédéralisme qui tenait compte des intérêts du Québec. «Le fait d’avoir tenu Ryan à l’écart a été une erreur majeure de Lévesque, soutient le professeur. D’autant plus que Ryan était craint du premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau.»
Entre 1981 et 1982, sur le front judiciaire, les procureurs du Québec ont été «peu impressionnants» devant les tribunaux. Les négociations constitutionnelles de novembre 1981 ont abouti à un accord, mais sans le consentement du Québec. Selon Guy Laforest, la «désastreuse» performance de la délégation québécoise a été «une comédie d’erreurs». Ce dernier affirme, par ailleurs, que le rapatriement de la Constitution «demeure une forme subtile, hypocrite, mais néanmoins réelle, d’oppression de la société et du peuple québécois par l’État et la majorité nationale au Canada».