
Le distributeur mécanisé de prédateurs fonctionne sur tous les types de tracteurs. L'utilisation de maïs soufflé facilite la libération des insectes dans les champs.
— Sylvain de Ladurantaye
La libération manuelle d'insectes prédateurs est inconcevable dans les grandes cultures en raison des coûts de main-d'œuvre et du temps qu'exigerait cette approche. «Dans un champ infesté par le doryphore de la pomme de terre, le contrôle biologique peut exiger la libération de dizaines de milliers de punaises par hectare», explique Mohamed Khelifi. Il fallait donc imaginer un procédé mécanisé permettant de déposer les punaises dans les endroits névralgiques du champ, à partir d'un tracteur en mouvement. «Le problème est que les pattes et les antennes de ces insectes sont fragiles et qu'il ne faut pas les endommager si on veut qu'ils soient en mesure d'attaquer les ravageurs», poursuit-il. Autre problème: les punaises que les chercheurs souhaitent utiliser pour combattre le doryphore de la pomme de terre ont la fâcheuse habitude de s'agripper aux parois des contenants dans lesquels on les transporte. «Même en secouant vigoureusement les contenants, on n'arrive pas à les faire tomber», raconte le professeur.
Après avoir jonglé avec l'idée d'encapsuler les punaises dans des balles de ping-pong biodégradables, les chercheurs ont finalement opté pour une solution plus simple. «Nous plaçons du popcorn dans la boîte et les insectes ont tendance à s'y accrocher. Lorsque nous ouvrons le contenant, ils tombent avec le popcorn dans le champ.» Adapté à tous les types de tracteurs, le distributeur mécanisé positionne correctement, sur une rampe, les contenants qui renferment les punaises et le maïs soufflé. Lorsque le producteur agricole croise une partie du champ où l'infestation gronde, il actionne la commande d'ouverture du contenant. Des tests effectués l'été dernier à l'aide d'un prototype montrent que, sur le plan mécanique, le système fonctionne bien. L'efficacité de cette approche pour juguler les infestations de doryphores reste encore à démontrer. Selon le chercheur, le procédé pourrait être adapté à d'autres prédateurs pour lutter contre des insectes qui s'attaquent à d'autres cultures.
Le procédé est déjà en voie de se frayer un chemin jusqu'aux champs. Sylvain et Yannick de Ladurantaye, deux anciens étudiants-chercheurs de l'équipe du professeur Khelifi, viennent de décrocher le premier prix 2010 au programme de Bourses Pierre-Péladeau pour un projet d'entreprise qu'ils ont développé avec l'aide d'Entrepreneuriat Laval. Ce prix, doté d'une bourse de 50 000 $, leur donnera un bon coup de pouce pour démarrer BIO IN qui commercialisera le distributeur mécanique d’insectes prédateurs. Les deux nouveaux entrepreneurs visent le marché des producteurs biologiques et aussi des producteurs agricoles à la recherche de solutions pour remplacer les insecticides chimiques.