
Robert Sproule, View of the Place d'Armes, Quebec, 1831. Au début du 19e siècle, les nouvelles constructions, comme la cathédrale anglicane de style palladien à gauche de l'image, rappellent le statut de Québec comme ville britannique.
— Bibliothèque et Archives Canada
Voilà l’essentiel du message que livrera Donald Fyson, professeur titulaire au Département d’histoire et codirecteur du Centre interuniversitaire d’études québécoises, aujourd’hui, le jeudi 22 janvier, au Musée de la civilisation de Québec. Sa communication découle d’un texte paru dans Québec, Champlain, le monde, un ouvrage collectif réalisé par des professeurs du Département d’histoire et publié, en 2008, aux Presses de l’Université Laval.
Le professeur Fyson rappelle que Québec a été la principale ville de l’Empire français en Amérique du Nord jusqu’en 1759, année de la Conquête. «Québec se trouvait au coeur des réseaux d’une vaste colonie qui relevait de Paris et qui s’étendait, à son apogée, des Maritimes au-delà des Grands Lacs et jusqu’au golfe du Mexique, explique-t-il. Après le régime militaire britannique, et surtout après la guerre d’indépendance américaine qui a pris fin en 1783, elle retrouve un rôle semblable. Cette fois, elle est le siège d’une administration coloniale qui relève du gouvernement impérial de Londres et qui est responsable d’un territoire compris entre les Maritimes et les Prairies. La ville de Québec a donc joué pendant plus de deux siècles un rôle clé au coeur de deux empires coloniaux.»
Un pouvoir politique et administratif
Sous le Régime français, on trouvait, à Québec, le gouverneur, l’intendant ainsi que le tribunal suprême de la Nouvelle-France, le Conseil supérieur. En 1764, la ville est formellement désignée comme capitale de la colonie du Canada, le gouverneur y habite et un conseil législatif ainsi qu’un conseil exécutif y forment le gouvernement.
Selon Donald Fyson, la Révolution américaine, qui s’est déroulée de 1775 à 1783, a permis à Québec de conserver son importance stratégique sur la carte de l’Empire britannique. «Après la Conquête, Québec était subordonnée à des villes américaines comme Boston ou New York, indique le professeur. Mais la guerre d’indépendance et la perte des colonies américaines a obligé l’Empire britannique à se replier sur sa colonie canadienne. La flotte britannique mouillait à Halifax, ce qui donnait beaucoup d’importance à cette ville. Mais Londres percevait Québec comme plus importante. Sur le plan symbolique, la prise de cette ville était perçue, en Grande-Bretagne, comme une très grande victoire sur la France.»
Au tournant du 19e siècle, la Grande-Bretagne est à nouveau en guerre avec la France. L’administration coloniale entretient des doutes quant à la loyauté de la population canadienne. «On croyait à l’existence de complots visant à fomenter des rébellions au Bas-Canada, souligne Donald Fyson. C’est dans ce contexte qu’il faut voir l’érection de nouveaux bâtiments à Québec, comme une cathédrale anglicane, un palais de justice, une prison. Sur le plan symbolique, on voulait affirmer l’identité britannique de la ville.»
Avant la Conquête, la présence, à Québec, du Conseil supérieur, de l’intendant et d’un noyau d’hommes de loi procurait à la ville le pouvoir juridique le plus important de toute la colonie. Après 1764, la capitale se voit redonner ce pouvoir. Le gouverneur nomme les magistrats et la plupart des officiers de loi. Il est membre du tribunal suprême. Le procureur général de la colonie habite également à Québec. La Cour d’appel et la Cour de vice-amirauté siègent dans cette ville.
Un autre pouvoir, militaire celui-là, caractérise la ville de Québec. Sous le Régime français, le gouverneur était habituellement le commandant suprême des forces françaises de la colonie. Québec possédait la plus importante garnison de l’empire français en Amérique. Sous le Régime britannique, à la suite de la guerre d’indépendance américaine, la garnison britannique la plus importante sur le continent se retrouve à Québec. Bon an mal an, elle comprend en moyenne entre 1 000 et 1 500 hommes. Le plus souvent, le gouverneur porte le titre de commandant en chef de l’armée pour l’Amérique du Nord. Règle générale, l’état-major de ladite armée se trouve également à Québec.
Les premiers pas de la démocratie?
Selon Donald Fyson, une partie des élites canadiennes de Québec ont assez bien tiré leur épingle du jeu après la Conquête en ce qui concerne l’accès aux différentes formes de pouvoir. Des institutions et des pratiques britanniques comme le jury d’accusation, les pétitions et la participation au gouvernement local ouvrent de nouvelles voies de communication avec le pouvoir. Dès 1764, Québec a un premier journal. La Conquête a-t-elle donc été une bonne chose? «Je n’irai pas si loin, répond le professeur Fyson. Il ne faut pas oublier que le gouvernement est demeuré essentiellement autocratique pendant trente ans après la Conquête. À partir de 1791, on assiste à la mise en place graduelle d’une forme de démocratie avec la création d’une chambre d’assemblée. Cela dit, si le Québec était demeuré français jusqu’après la Révolution française, qui peut dire quel aurait été son mode de gouvernement? Il aurait peut-être été plus démocratique que celui de 1791.»