La nature sensuelle tient une grande place dans ses vers, comme si réfléchir à ses premières années de vie avait poussé Anne Peyrouse à se rapprocher de la terre, de la plage, du sable, du corps, de la sexualité aussi. Dans un sourire, cette enseignante éprise de littérature érotique fait remarquer que le public a trop souvent tendance à considérer les professeurs comme des êtres raisonnables et très intellectuels. «Un texte s’apprécie aussi par les émotions qu’il procure, sa rythmique, ses sons, souligne-t-elle. Il y a une sensualité du langage à goûter.» Là encore, ses filles l’ont aidée à se rapprocher des sensations physiques. D'ailleurs, des allusions à ces dernières - «mes p’tites, mes flounes, mes sucres» - se déclinent tout au long de ce poème gorgé de lumière, ode à la vie et à l’amour. Elle a aussi sollicité sa mère, méditerranéenne dans l’âme, pour retrouver des mots oubliés racontant la Provence, comme ce crépi blanc qui recouvre les murs des maisons.
Images de l’errance
La deuxième partie du recueil, L’éternel des oies, aborde un univers différent: celui du voyage. Il regroupe des fragments de poésie, des éclats poétiques qui, selon l’auteure, constituent autant d’images fugaces emmagasinées dans sa tête au fil des ans. Anne Peyrouse se souvient notamment de son séjour en Yougoslavie et d’une vieille femme, Ivanka, alors que le pays n’avait pas encore basculé dans la guerre, mais dont les gares étaient déjà occupées par des soldats armés. Un jour, ailleurs, elle a vu une prostituée entrer dans une cathédrale et se signer. Quelques années plus tard, ces visions deviennent un poème. «Un recueil comme Sables d’enfance représente environ trois ans d’écriture et de réécriture, précise la poétesse. Cela permet de faire progresser les textes, de les découper en parties séparées, de varier la rythmique.»
Professeure de création littéraire, Anne Peyrouse encourage aussi ses élèves à corriger leurs écrits, à les peaufiner, à les améliorer. Elle apprécie la qualité des échanges avec des gens issus du domaine littéraire, mais aussi d’anthropologie, d’histoire, de l’enseignement ou même de la fonction publique qui stimulent sa création. «Actuellement, par exemple, nous travaillons des textes sur l’inceste, et cela m’amène à réfléchir sur le traitement des sujets dramatiques.» Depuis peu, Anne Peyrouse aborde un nouveau monde, celui de la danse. À plusieurs reprises, elle s’est installée dans la salle de répétition de chorégraphes comme Ginette Laurin, Karine Ledoyen et Daniel Bélanger pour observer les danseurs respirer, souffler, se blesser même parfois. Une façon pour cette créatrice de se rapprocher encore du corps et de laisser mûrir en elle des images qui se transformeront en poèmes aboutis d’ici quelques mois.