«Selon les vœux de Robert Lepage, il fallait d’emblée écarter tout repère se référant explicitement à la chronologie, à l’événementiel ou au carcan biographique, évoque Philippe Dubé. L’œuvre devait en être une de création et non pas de reproduction. Cela dit, il fallait quand même créer un récit et raconter l’histoire d’une ville.»
L’histoire en marche
Pour relever ce défi, Philippe Dubé s’est inspiré, entre autres, d’un ouvrage de Le Corbusier paru en 1939 et intitulé Sur les quatre routes, dans lequel le célèbre architecte français explique que «la route de terre est millénaire, la route d’eau est millénaire, la route de fer a cent ans, la route d’air vient de naître». Cette idée des quatre chemins, Philippe Dubé l’a appliquée aux quatre siècles d’histoire de Québec: une voie d’eau pour naviguer vers le Nouveau Monde (17e siècle), une route de terre pour développer la colonie (18e siècle), un chemin de fer pour transporter l’avènement de l’industrie (19e) et enfin, un trajet d’air pour transmettre l’information à travers l’aire des communications (20e). Loin de s’éliminer l’une et l’autre, ces couches successives de temps vont se superposer et contribuer à faire de Québec ce qu’elle est aujourd’hui. La tâche consistait donc à mettre en évidence les moyens ayant permis l’histoire et non l’inverse, explique Philippe Dubé. «Sans bateaux, il est impossible de traverser l’Atlantique et d’aller fonder une nouvelle colonie, affirme-t-il. Sans outils aratoires, ni cheval, la colonisation est impossible. Sans trains, pas d’expansion territoriale aussi vaste et enfin, sans électricité, pas de communication, du moins pas à l’échelle actuelle.»
Depuis le début de l’été, Philippe Dubé a assisté plusieurs fois à la projection du Moulin à images. Pour son propre plaisir, bien sûr, mais surtout pour voir la réaction du public. «C’est la fête chaque soir, dit le muséologue. Chaque personne s’approprie le spectacle et y va de ses propres commentaires. On sent un grand sentiment de fierté dans la foule et c’est un cadeau du ciel que d’avoir participé à l’élaboration d’un tel projet et d’être témoin du plaisir et de l’intérêt générés par l’événement». Quant à sa collaboration avec Robert Lepage, Philippe Dubé en parle comme d’un véritable privilège. «Certes, il a une équipe qui l’a appuyé, mais c’est lui qui a mené le projet du début à la fin, d’assurer le muséologue. Il en est vraiment le concepteur et le créateur.»