Avec la création, en 2011, d’un certificat en criminologie, l’Université Laval posait la première pierre d’une structure d’enseignement pour la discipline criminologique. Dès 2012, un programme de baccalauréat voyait le jour. Puis, en 2020, un programme de maîtrise a été lancé. Enfin, au mois de juin 2021, le Conseil universitaire donnait le feu vert à la mise sur pied d’un programme de doctorat. C’est maintenant fait. Il sera offert à compter de la session d’automne 2024 à l’École de travail social et de criminologie.
«Tous les professeurs de l’École sont très heureux de l’aboutissement de ce projet», affirme la professeure et directrice du programme de doctorat en criminologie, Nadine Deslauriers-Varin. «Nous sommes devenus un programme complet aux trois cycles d’études en relativement peu de temps, poursuit-elle. Nous pouvons être très fiers du développement de la criminologie à l’Université Laval. La haute direction reconnaît la place importante de la discipline dans la société d’aujourd’hui en permettant l’arrivée de ces trois cycles d’études. Ce faisant, l’Université deviendra la deuxième au Québec, après l’Université de Montréal, à les offrir.»
L’Ordre professionnel des criminologues du Québec décrit cette profession comme fondamentalement axée sur l’humain et la relation d’aide. Elle se déploie à l’intersection à la fois du monde des lois ou de la justice, de la psychologie ainsi que de la sociologie criminelle.
Le doctorat en criminologie de l’Université Laval s’adressera aux étudiants détenteurs d’une maîtrise en criminologie ou tout autre domaine pertinent. Cette formation de pointe leur permettra d’occuper un poste de chercheur dans un centre de recherche, de professeur universitaire ou collégial en criminologie, ou d’analyste principal au sein d’un ministère. Selon une enquête publiée par le ministère de l’Enseignement supérieur en 2022, les personnes diplômées à la maîtrise en criminologie en 2019 connaissaient, en janvier 2021, un taux de placement de 97%.
Une évolution constante
De nos jours, les phénomènes criminologiques, le contrôle et la régulation de ces phénomènes ainsi que l’intervention auprès des personnes contrevenantes et la réinsertion sociale connaissent une évolution constante au Québec, mais aussi au Canada et sur la scène internationale. «Comme société, nous sommes entrés dans une période où il est encore plus important d’avoir des études criminologiques, soutient la professeure Deslauriers-Varin. Une partie de l’explication se trouve au niveau des mouvements sociétaux. Il y a des besoins criants dans le domaine de l’intervention et des savoirs scientifiques, notamment en santé mentale, auprès des populations marginalisées ou à risque de marginalisation et bien sûr l’évaluation et la gestion du risque des contrevenants. Mais de nouveaux types de délits sont apparus, comme les délits en ligne, en particulier ceux relatifs aux crimes sexuels. Il y a 15 ans, cette problématique n’était pas courante. C’est incroyable tout ce champ qui se développe alors que de plus en plus de jeunes sont connectés et ont accès à un ordinateur.»
L’Université Laval se distingue
En criminologie, l’Université Laval se démarque sous différents aspects, dont un corps professoral très diversifié dans ses expertises. «Nos professeurs, indique-t-elle, sont maintenant au nombre de 16, en plus de trois chargées d’enseignement. Il n’y a pas deux chercheurs qui travaillent sur la même chose.»
Le programme de doctorat se distinguera par ses domaines et ses champs de recherche nouveaux ou peu explorés au Canada. Le système et les politiques pénales et correctionnelles, la criminalité économique et financière, la radicalisation et le terrorisme, ainsi que la réinsertion sociale sont des exemples de ces domaines. Les enjeux relatifs à l’autochtonie et la criminalisation sont un autre exemple. «Nous avons une professeure qui se spécialise sur les enjeux relatifs à ce dernier domaine, qui est connu depuis longtemps, explique-t-elle. Mais à ce jour, très peu d’expertises ont été développées.»
Le programme se démarquera également par des milieux de recherche très ancrés dans la pratique professionnelle. «Les professeurs du domaine travaillent généralement en partenariat ou en collaboration avec des milieux institutionnels, comme le ministère de la Justice, celui de la Sécurité publique, le milieu policier, souligne la professeure Deslauriers-Varin. Je pense que le fait d’être ancrés dans la pratique professionnelle des criminologues et les enjeux pratiques des gens qui travaillent dans un milieu de la criminologie nous distingue des autres programmes de criminologie. Cela fait en sorte que nous sommes très au courant des enjeux sociétaux et que nous avons des expertises en recherche très alignées sur les enjeux publics.»
La professeure donne deux problématiques en exemple: le Registre national des délinquants sexuels et la réinsertion sociale. «Ce sujet très d’actualité qu’est le Registre, comment on le gère? demande-t-elle. Est-ce utile? Et la réinsertion sociale, qu’est-ce qui fonctionne ou non, quels sont les facteurs de protection ou de risque, ou les programmes, mesures et approches qui la facilitent? Quelle est l’opinion des gens sur les mesures alternatives? Ce sont un exemple des questions sur lesquelles les chercheurs d’ici travaillent.»
Des collaborations intra et interdépartementales
Le nouveau programme de doctorat devrait accueillir huit étudiantes et étudiants à sa première année d’existence. Le programme de maîtrise offert à l’Université Laval, lui, attire entre 30 et 40 étudiantes et étudiants par année.
Selon Nadine Deslauriers-Varin, la criminologie est en soi interdisciplinaire. «Psychologie, droit, sociologie, dit-elle, la criminologie a émergé d’un savoir formé, à la base, de ces disciplines. Dès le baccalauréat, on apprend aux étudiantes et aux étudiants à avoir des lunettes multidisciplinaires pour interpréter notamment les réactions sociales, la victimologie, le comportement criminel, l’événement criminel en soi. On est habitués, par notre formation, à voir le phénomène criminologique de plein de façons. C'est très rare. Même si les chercheurs ont des ancrages et qu’ils voient la réalité à travers certaines approches plus particulières, les ponts interdisciplinaires sont faciles à faire avec les disciplines desquelles la criminologie a émergée, tout comme avec le travail social, l’économique, la géographie et les sciences de l’éducation.»