Le jeudi 8 mai, dans l’édifice du Vieux-Séminaire de Québec, le professeur Simard participait à une table ronde sur l’apport et la pertinence, aujourd’hui, de l’œuvre de Fernand Dumont décédé en 1997. Le même jour, les Presses de l’Université Laval procédaient, au même endroit, au lancement d’un coffret réunissant en cinq tomes la totalité des écrits du grand penseur transdisciplinaire. Cette somme de plus de 3 600 pages, véritable édifice intellectuel, comprend des livres, des poèmes et des mémoires.
Selon René-Michel Roberge, professeur associé à la Faculté de théologie et des sciences religieuses, Dumont, dont il a dirigé dans les années 1980 une seconde thèse de doctorat, cette fois en théologie fondamentale, a toujours été théologien. «Dans ses mémoires, rappelle-t-il, Dumont dira qu’il s’est intéressé à la théologie dès sa jeunesse. Il a publié en théologie tout au long de sa carrière et de façon régulière. On lui doit notamment d’avoir tissé des liens non seulement entre la théologie savante et la foi populaire, mais entre la théologie et les autres sciences humaines.»
Un enseignant hors pair
Jacques Racine, professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses, a été l’étudiant de Fernand Dumont à la fin des années 1960, alors qu’il poursuivait des études de premier cycle en sciences sociales. «Nous étions d’abord impressionnés par l’homme, explique-t-il. Nous étions émerveillés par sa culture et sa connaissance de différentes disciplines.» Graduellement, Fernand Dumont faisait entrer ses étudiants dans la genèse des sociétés, et ce, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. «C’était une expérience intellectuelle fort importante et quasiment spirituelle, affirme Jacques Racine. Dumont avait une certaine façon de considérer l’humain comme un être sans cesse en questionnement et en construction. D’ailleurs, il nous mettait continuellement dans une démarche de questionnement. Et ses cours tenaient un peu de l’événement. Ils avaient l’allure de grandes conférences. Même des professeurs y assistaient.» Le professeur Racine a coécrit deux ouvrages avec Fernand Dumont sur l’avenir du catholicisme au Québec. «Je partageais sa foi, dit-il, ainsi que sa position critique face à l’Église.» Dumont, soutient-il, a été «un très grand intellectuel très enraciné dans sa collectivité».
Un homme de culture, d’engagement et de foi
Catholique de gauche, grand érudit, indépendantiste revendiquant fortement son identité québécoise, Fernand Dumont était un intellectuel engagé. Il est reconnu comme un des pères de la Charte de la langue française. À la fin des années 1970, il a participé à l’élaboration du livre blanc sur la politique québécoise du développement culturel. En 1979, il a fondé l’Institut québécois de recherche sur la culture.
Une grande partie des recherches de Fernand Dumont a porté sur l’opposition qui existe entre la culture populaire et la culture savante, en d’autres termes, entre le monde familier, quotidien et l’horizon constitué par l’art et la philosophie. «Sans la culture, écrivait-il, l’homme serait immergé dans l’actualité monotone de ses actes, il ne prendrait pas cette distance qui lui permet de se donner un passé et un futur.»
«La théologie de Dumont est en continuité directe avec ses grands travaux sur la culture, indique René-Michel Roberge. Elle trouverait son originalité parmi les sciences en s’occupant de ce que les autres sciences laissent de côté: l’ouverture à la transcendance.» Selon lui, Fernand Dumont entendait travailler, vers la fin de sa vie, sur un projet de «théologie de la culture». «Il rêvait, dit-il, à une nouvelle humanité plus ouverte à ce qui la dépasse. Son ouvrage aurait été à la fois le procès de la culture moderne refusant la transcendance et celui des pratiques chrétiennes insignifiantes parce que sclérosées par excès d’institutionnalisation. Ce livre aurait eu pour visée d’épauler la genèse d’une culture chrétienne renouvelée mieux intégrée à la culture actuelle, capable d’assumer son héritage croyant et surtout signifiante dans le monde d’aujourd’hui.»