L’anecdote montre bien l’ampleur du choc que vivent les jeunes gens parrainés par le Programme d’étudiants réfugiés (PER) de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), une association étudiante pancanadienne qui a une section à l’Université Laval. La plupart de ces nouveaux arrivants ont vécu une partie de leur vie dans un camp. Un camp dépourvu de portes automatiques, d’autobus et, bien sûr, du confort à l’occidentale. À Dzaleka, le camp du Malawi où Boniface a passé huit ans, chaque personne reçoit 11 kilos de farine de maïs et doit se débrouiller pour survivre pendant un mois. Quelque 15 000 personnes venues du Burundi, du Rwanda, de la République du Congo vivent dans des maisons en boue, recouvertes de toits de chaume qui laissent passer le froid des hauts plateaux. La ville est loin et la végétation presque inexistante.
Burundais d’origine, Boniface, 22 ans, a fui la guerre, traversé la Tanzanie, marché, pris des pirogues, des autobus, avant d’arriver au Malawi. Son collègue Abdoul, qui résidait dans le même camp, a quitté le Rwanda où il avait trouvé refuge, car on voulait l’enrôler comme enfant-soldat. Pour mener à bien leur scolarité et sortir de la dépendance, il leur fallait donc absolument partir. Comme une centaine d’autres, ils ont donc postulé au Programme d’étudiants réfugiés pour échapper à un avenir qui s’annonçait très peu réjouissant. Avant d’obtenir le sauf-conduit pour l’étranger, il leur a fallu prouver qu’ils avaient de bonnes notes, passer des examens écrits, des entrevues, des tests de santé. «Jusqu’à ce que j’arrive à l’aéroport et que je monte dans l’avion, je n’osais pas croire que j’allais vraiment partir», confie Abdoul qui a dû attendre un an et demi les papiers nécessaires à son voyage.
Tuteurs et cours compensateurs
Depuis 1978, un millier de réfugiés âgés de 17 à 25 ans ont ainsi pu quitter leur camp pour étudier au Canada dans l’un ou l’autre des 50 collèges ou universités qui les parrainent. Ces étudiants accèdent ainsi au statut de résidents permanents et restent ensuite au pays. La première année, l’Entraide universitaire mondiale du Canada débourse de 17 000 à 25 000 $ par étudiant pour payer ses frais de scolarité, son hébergement en résidence, l’habiller, le nourrir. De l’argent qui vient de dons, mais aussi des 50 ¢ prélevés sur chaque inscription d’étudiants au premier cycle à Laval.
Assurer de bonnes conditions matérielles aux nouveaux venus ne suffit pas pour les accueillir, loin de là. «Avant même qu’ils arrivent, on les inscrit à l’Université, on leur envoie des photos, un plan du campus, raconte Alexandra Champagne, de l’EUMC, qui parraine Boniface et Abdoul cette année. Dès qu’ils sont là, c’est la course pour les aider à remplir leurs documents administratifs, les accompagner à leurs rendez-vous, les guider dans leurs cours.» Étudiante en psychologie, la jeune femme adore cette plongée dans la culture de l’autre et est aussi très consciente des efforts d’adaptation que doivent fournir les parrainés plongés du jour au lendemain dans une réalité aux antipodes de leur vie passée dans un camp.
L’association organise donc plusieurs activités pour aider les nouveaux venus à s’intégrer sur le campus et tente aussi de faciliter leur scolarité. La première année, les étudiants ont ainsi accès à des cours compensateurs pour faciliter leur mise à niveau. Si les étudiants éprouvent des difficultés, ils peuvent avoir recours aux services d’un tuteur. Jusqu’à présent, 17 personnes ont pu quitter leur camp pour venir étudier à l’Université Laval, avant de voler de leurs propres ailes. Deux jeunes filles seulement faisaient partie des heureux élus, car rares sont celles qui ont une scolarité de niveau secondaire, un préalable pour la sélection. «À l’avenir, il faudrait trouver des moyens pour favoriser leur venue, car elles ont moins accès au programme que les garçons», souligne Alexandra Champagne. Renseignements: www.eumc.ulaval.ca