Les choses tournent toujours à vive allure dans le laboratoire de Gary Kobinger, mais la cadence est encore plus intense depuis la mi-janvier. Son équipe de 17 personnes, installée au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, s’affaire à trouver des traitements et des vaccins qui permettront de contrer la COVID-19. Et, si tout va comme prévu, les outils qu’ils mettront au point permettront de répondre plus efficacement à la flambée du prochain pathogène émergent, quel qu’il soit. «Nous roulons à 400% de notre capacité. Il faut jongler avec les obligations des membres du labo, notamment ceux qui ont des enfants à la maison, mais on y arrive. J’ai une super équipe», souligne le professeur de la Faculté de médecine.
Gary Kobinger a obtenu son baccalauréat en microbiologie à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval en 1993. Après des études supérieures à l’Université de Montréal et à l’Université de Pennsylvanie, il devient, en 2005, chercheur au Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada, à Winnipeg. Trois ans plus tard, on lui confie la direction du Programme des pathogènes spéciaux de cet établissement fédéral. C’est à ce titre qu’il a participé à l’effort international pour juguler l’épidémie de fièvre hémorragique causée par le virus Ebola, qui a frappé l’Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2015. Le chercheur s’est rendu sur le terrain pour étudier ce pathogène virulent qui décimait des villages entiers et qui a fait plus de 11 000 victimes.
Les travaux qu’il a menés avec ses collaborateurs américains ont conduit à la mise au point d’un traitement et d’un vaccin, qui ont été utilisés pour la première fois en 2014. Le vaccin, appelé rVSV-ZEBOV, vient tout juste d’être homologué en Europe et aux États-Unis, signale le chercheur. Son taux d’efficacité est de 97,5%.
Même s’il compte plus de 300 publications scientifiques et plus de 15 brevets à son actif, ce sont ses travaux sur le virus Ebola qui ont révélé le professeur Kobinger au grand public. C’est aussi ce qui lui a valu le titre de Scientifique de l’année 2015 de Radio-Canada.
Affronter un ennemi inconnu
En 2016, Gary Kobinger rentre au bercail et il accepte la direction du Centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval. La même année, il obtient la Chaire de recherche du Canada en immunothérapie et plateformes vaccinales innovantes. Depuis, ces plateformes sont devenues son cheval de bataille.
En effet, l’expérience qu’il a acquise lors de la crise du virus Ebola l’a convaincu que le temps de réaction était d’une importance capitale dans l’issue de telles épidémies. «Il faut se préparer en temps de paix au lieu de tenter de trouver des réponses en situation d’urgence», dit-il.
Pour réagir rapidement, il faut disposer d’outils diagnostiques, de traitements immunologiques et de vaccins. Et une partie du travail peut être faite sans même connaître l’identité du prochain pathogène émergent. «Il y a seulement 22 familles de virus qui causent des maladies chez l’humain. Nous devrions avoir au moins un vaccin en banque pour chaque famille. Par exemple, nous aurions pu avoir un vaccin universel pour les coronavirus.»
Les Instituts de recherche en santé du Canada viennent de lui accorder 1M$ pour que ses efforts soient orientés d’urgence vers la mise au point de vaccins expérimentaux contre la COVID-19. Ses travaux sont menés en étroite collaboration avec des entreprises, notamment Medicago de Québec. Cette compagnie, issue d’une technologie conçue à l’Université Laval et à Agriculture Canada, fait appel aux plantes comme bioréacteurs pour la production de vaccins et de protéines thérapeutiques. «Si nous étions bien préparés à affronter une épidémie, notre collaboration avec Medicago nous permettrait de contrer une épidémie en trois mois», assure le professeur Kobinger.
Lors d’une conférence qu’il prononçait le 25 mai 2016 au moment de son retour à l’Université Laval, le chercheur rappelait que les maladies infectieuses étaient responsables de 26% des décès à travers le monde et que l’accroissement des déplacements internationaux allait faire en sorte que les pathogènes deviendraient un problème planétaire. «Le genre de plateforme que j’envisage pour mieux répondre aux prochaines épidémies ne se bâtit pas en deux semaines. Il faut donc se préparer dès maintenant», soulignait-il alors. Le soutien qu’il reçoit maintenant de tous les paliers de gouvernement porte à croire que, cette fois, son message a été entendu.